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Urbanisme - Temps modernes - Belgique - Histoire de l'art Brigitte D'Hainaut-Zvény La Place royale de Bruxelles Une place dans la ville, une allégorie des pouvoirs et un dispositif symbolique
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Reporticle : 38 Version : 1 Rédaction : 01/11/2012 Publication : 21/11/2012

La Place royale de Bruxelles

Monogramme G.V.A., Vue du palais et de l'esplanade des Bailles au XVIIe siècle. Bruxelles, Musée de la ville (copyr. Bruxelles, Musée de la Ville)
Photo Bruxelles, Musée de la VilleFermer
Monogramme G.V.A., Vue du palais et de l'esplanade des Bailles au XVIIe siècle.

Le site du Coudenberg fut, ainsi qu' A. Smolar-Meynart l’a rappelé, une sorte de «palimpseste sur lequel les siècles ont obstinément réécrit le pouvoir», celui du Prince, de l’État et de leurs ayants droit (1). Murailles, chambres de parement et cour des Bailles, aula magna, fontaines et galeries, ces vestiges (2), aujourd’hui mieux connus (3) témoignent d’une histoire, d’une manière de vivre et d’habiter. Mais l’évidence pratique de ces structures et leur apparente spontanéité d’usage n’en rendent pas entièrement compte. Chacun sait, en effet, «qu’aucun objet ne s’épuise jamais dans ce à quoi il sert»  (4) et que, douée d’un sens poétique propre, l’architecture a également pour raison de proposer une compréhension du monde (5). Argument jamais passif d'une culture, celle-ci permet, en effet, d’enraciner les existences individuelles dans la cohérence d'une communauté et de ses institutions, en assumant l'explicitation d'un ordre politique et social qui détermine intimement l'existence de chacun. Et c'est à la lecture de ces paradigmes politiques que nous entendons nous attacher ici, avec la nécessaire témérité de ceux qui savent que le discours que nous faisons sur les choses est toujours, comme le rappelait M. Foucault, «une violence que nous leur imposons»  (6).

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    Monogramme G.V.A., L'incendie du Palais ducal. Bruxelles, Musée de la Ville (copyr. Bruxelles, Musée de la Ville)
    Photo Bruxelles, Musée de la VilleFermer
    Monogramme G.V.A., L'incendie du Palais ducal.

    L’histoire de cette place royale commence avec l'incendie qui ravagea, dans la nuit du 3 au 4 février 1731 (7), le palais et la cour des Bailles détruisant la résidence de la gouvernante, le siège des principaux organes de son gouvernement et l’expression de son prestige. Mais si ce feu –qui réduisit à l’âcre appellation de «Cour brûlée» un site qui, depuis les origines de la ville, avait été emblématique du pouvoir– fut l’agent d’une éradication, il fut également l’occasion d’un remodelage architectural et urbanistique du site (8) qui modifia les lieux d’implantation des institutions, la morphologie de leurs rapports avec la cité, ainsi que les modes de représentation symboliques du pouvoir (9).

    Le palais détruit, il fallait –pour paraphraser la logique qui régit la célèbre formule «le roi est mort, vive le roi»– le reconstruire et ce, endéans les plus brefs délais. Il y allait, selon les termes même d’un rapport de la Chambre des Comptes, du service de Sa Majesté et de l’honneur même des provinces en général (10). Mais la difficulté de réaliser le montage financier de l’opération fut, pendant de nombreuses années, un obstacle à sa réalisation.

    Plusieurs projets de reconstruction, dont on cerne mal la chronologie précise, furent élaborés de 1731 à 1769, notamment par J.-A. Anneessens, architecte de la Cour (11), par A. Royet, architecte et arpenteur juré (12), par Ch.-F.-R. Le Virloys, auteur fameux du théâtre de Metz (13) ainsi que par deux architectes demeurés anonymes (14). Mais l’invasion française et l’occupation de Bruxelles par les troupes de Louis XV mirent provisoirement la question de cette reconstruction en suspens. Le Gouverneur Général Charles-Alexandre de Lorraine revint à la charge, en 1751, dans un Mémoire sur les fonds à trouver pour rebâtir le palais royal à Brusselles (15) , mais devant l'impossibilité réitérée de trouver les fonds nécessaires, celui-ci acquit l’hôtel d’Orange Nassau dans lequel il entreprit de réaliser les aménagements prestigieux requis par son rang et sa fonction. La présence d’un palais royal cessa, dès ce moment, de constituer le pivot autour duquel furent articulés les projets de réaménagement du site.

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      Palais de Charles-Alexandre de Lorraine.Façade. Bruxelles, Photo de l'auteur.
      Photo de l’auteurFermer
      Palais de Charles-Alexandre de Lorraine.Façade.

      Pour faire disparaître ce chancre qui défigurait la ville, le duc d’Ursel, gouverneur militaire de la ville proposa en 1769 d’aménager l’ancienne cour des Bailles en esplanade où pourraient s’effectuer les parades militaires (16). Cette proposition fut acceptée par la Ville qui marqua, en août, son accord pour entreprendre le travail... en retour de la cession des pierres de l’enceinte des Bailles (17) . On songea alors à réinstaller sur le site certaines des sculptures de bronze qui avaient autrefois orné les Bailles, celle notamment de Charles Quint que le contrôleur Savoet proposa d’installer au-dessus d’une colonne (18). L’image du Prince aurait ainsi retrouvé sa place dans l’organisation de ce paysage urbain où sa représentation sculptée aurait remplacé sa «Présence Réelle» en son palais.

      J. Franck, Portrait en écriture de la statue de Charles-Alexandre de Lorraine sur la Place royale à Bruxelles, 1777. Bruxelles, Collection d'Arschot.
      Photo Bruxelles, Collection d’ArschotFermer
      Portrait en écriture de la statue de Charles-Alexandre de Lorraine sur la Place royale à Bruxelles, 1777.

      Cette proposition d’esplanade fut cependant rendue obsolète lorsqu’on se résolut, en 1774, à dresser au centre de cet espace la statue de Charles de Lorraine (19) que les Etats de Brabant lui avaient offert à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de son gouvernement. Et ce fut cette décision qui décida finalement du sort du site et définit les principes de son réaménagement en l’associant au modèle canonique des places royales à la française mis au point, au siècle précédent, par Jules-Hardouin Mansart. Il s’agissait, comme le relèvent certains documents de l’époque, de créer une nouvelle place pour recevoir la statue et de rendre celle-ci digne de l’objet qui va présider à sa construction en se servant des façades comme moyen d’embellissement.

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        A l’instigation du Prince de Starhemberg, ministre plénipotentiaire qui joua un rôle déterminant dans la reconstruction de ce site (20), un accord intervint bientôt entre le Gouvernement et la Ville. Cette dernière s’engagea à niveler et paver la future place, à l’entourer de chaînes et de bornes, à la clôturer d’une grille vers le parc et à adoucir la pente du terrain du côté de la rue Isabelle. Elle accepta, en outre, d’acquérir les terrains nécessaires à l’exécution d’un tracé régulier et symétrique (21). En contrepartie, la Ville obtint que cette zone fut entièrement placée sous sa juridiction. L’édification des différents hôtels destinés à border le périmètre de la place étant laissée à la charge des acquéreurs ou des propriétaires des parcelles.

        L.E.G. Van der Puyl, Vue de la Place Saint-Michel à Bruxelles. Aquarelle, 1773. Bruxelles, Musée de la Ville.
        Photo Bruxelles, Musée de la VilleFermer
        Vue de la Place Saint-Michel à Bruxelles, 1773.
        J.-B. V. Barré (attribué à), Plan général de la Place Royale de Bruxelles, 1775. Bruxelles, Archives Générales du Royaume.
        Photo Bruxelles, Archives Générales du RoyaumeFermer
        Plan général de la Place Royale de Bruxelles, 1775.

        Des plans et des élévations pour les bâtiments du pourtour de cet espace furent alors établis, notamment par les architectes Landelin-Louis-Joseph Baudour (1735-1798), Claude Fisco (1736-1825), auteur du projet de la place saint Michel (actuelle place des Martyrs), ainsi que par Barnabé Guimard (1734-1805), architecte français élève de J.-F. Blondel (22). Des projets qui furent, ceux en tous cas de Fisco et de Guimard, envoyés pour consultation à Paris, où Jean-Benoît-Vincent Barré (ca. 1732-1824) leur apporta, durant l’été 1775, certaines modifications substantielles. Architecte bien introduit dans les milieux de la finance et des fermiers généraux (23), auteur de plusieurs projets importants pour Joseph de La Borde (24), Barré suggéra un élargissement de la surface de la place grâce à un recul de l’alignement des façades vers l’est (25) et proposa de renforcer les symétries de ses accès. Sur le grand plan conservé aux Archives Générales du Royaume (26), qui paraît reproduire son premier projet, on observe, en effet, qu’il scinde le long rectangle de la place en implantant, au milieu d’un de ses longs côtés, le monumental portail de l’église Saint-Jacques (27) et qu’il souligne cet axe médian en renforçant la symétrie du réseau des rues qui y accèdent. Parallèlement aux percées du Borgendael et de celle sise en vis-à-vis, Barré proposa le tracé de l’actuelle rue de Namur et celle du Passage du Musée qui lui fait face. Ces propositions furent retenues, en dépit du fait qu’elles hypothéquaient le maintien de la chapelle palatine située à l’angle nord-ouest, en lui confisquant tout statut de monument dans la réorganisation du lieu.

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          Joachim Zinner, Plan pour la place royale et le Parc, 1780. Bruxelles, Archives Générales du Royaume.
          Photo Bruxelles, Archives Générales du RoyaumeFermer
          Plan pour la place royale et le Parc, 1780.

          D’autres modifications furent encore apportées au projet lorsqu’on se décida, toujours en 1775, d’associer la place avec le parc qui la jouxtait (28). L’enjeu était d’assurer une meilleure communication entre les différentes parties de la ville, d’augmenter l’aisance du public et de contribuer en même temps à rendre la capitale digne... du séjour de la Cour et de la curiosité des étrangers (29). Le plan, signé par Joachim Zinner (30), jardinier de l’Orangerie et de la Cour, met clairement en évidence les options choisies pour associer ces deux éléments. En effet, au lieu d’implanter la place dans l’axe de la rue Royale, on choisit de l’obliquer légèrement vers le nord-est, afin de la situer dans le prolongement direct d’une des trois allées du parc, tandis que le profil à pans coupés de l'extrémité du parc fut pensé comme le moyen d'assurer une mise en corrélation, souple et harmonieuse, entre le parc et la place. Cette association d’un lieu de promenade, répondant aux préoccupations de sociabilité, d’hygiène et de salubrité publique caractéristiques de l’époque, à un espace restructuré selon les canons de la modernité, fut le ressort constitutif d’un véritable «quartier royal». D’un quartier qui regroupait des bâtiments abritant ses principales administrations et qui entendait articuler l’expression de ce pouvoir autour de la statue du Gouverneur Général Charles de Lorraine et d’un groupe sculpté en l'honneur de l’Impératrice Marie-Thérèse qu’on avait eu l’intention d’élever au centre du parc (31). Quelques années plus tard, on entreprit, en effet, la construction d’un hôtel pour le Conseil de Brabant, organe de justice pour le duché, tandis que la Chambre des Comptes s’installa, à la fin de l’Ancien Régime, dans ce qui allait devenir le palais de la Nation. Les conseils collatéraux, réunis en 1787 en un unique Conseil du gouvernement Général, s’installèrent quant à eux dans l’ancienne abbaye du Coudenberg (32).

          La démolition des derniers vestiges de la «Cour brûlée» marque le début de la mise en œuvre de la Place royale. Après s’être servi, en 1772, des ruines de l’Aula magna pour fournir les matériaux nécessaires aux transformations effectuées par Charles de Lorraine à l’hôtel de Nassau, le gouvernement résolu, en 1774, de détruire également la chapelle, qui avait pourtant été réhabilitée dès 1731, mais dont la localisation empêchait l’établissement du plan régulier souhaité (33). Et l’inauguration, le 17 janvier 1775, de la statue de Charles de Lorraine, réalisée en bronze par le sculpteur d’origine gantoise, P. Verschaffelt (1710-1793), peut être considérée comme la pose de la première pierre emblématique de ce nouvel espace urbain.

          L’édification du périmètre bâti se fit à partir de 1776, grâce à la prise en charge imposée aux abbayes du Coudenberg et de Grimbergen (34), ainsi qu’à certaines associations, telles la corporation des Brasseurs et la Loterie impériale et royale des Pays-Bas, auxquels s’ajoutèrent des particuliers, et notamment le comte de Spangen, haut fonctionnaire à la Cour, la comtesse de Tirimont, douairière Templeuve, propriétaire de l’hôtel sis à l’angle de la ruelle de la Chambre des Comptes, ainsi qu’un dénommé Philippe de Proft, précédemment tenancier d’une auberge dans le bas de la ville qui entreprit d’en construire une autre sur la place (35). Chacun d’eux ayant été plus ou moins mis en demeure de prendre en charge l’édification d’une parcelle ou de transformer un des hôtels existant conformément au modèle imposé par les autorités.

          Les règles établissant cette conformité étaient fixées par des plans, croquis et élévations annexées aux actes de vente et précisées par un cahier des charges qui détaillait la liste, aussi précise que rigoureuse, des obligations architecturales imposées à tous les propriétaires, comme à leurs ayants droit. Sous peine d’une confiscation de leur terrain et des matériaux qui y seraient éventuellement entreposés, chacun d’eux devait, en effet, s’engager à suivre avec la dernière exactitude toutes les parties des façades des bâtiments (36). Des prescriptions qui concernaient non seulement les matériaux, mais aussi les couleurs des façades et des menuiseries, ainsi que tous les détails des motifs architectoniques et décoratifs préconisés (37).

          G.-B. Probst, d'après un dessin de A. Rooland, Vue de la Place royale au XVIIIe siècle. Bruxelles, Musée de la Ville.
          Photo Bruxelles, Musée de la VilleFermer
          Vue de la Place royale au XVIIIe siècle.

          Quatre portiques, qu’aucun bâtiment ne pouvait dépasser en hauteur (38), furent construits aux extrémités des deux longues rives. Chargés d’assurer la continuité du front bâti et l’enclosure du périmètre de la place, ces structures garantissaient la perception de l’homogénéité de cet ensemble architectural, en masquant la vue du tissu urbain, encore largement médiéval, dans lequel cet ensemble avait été arbitrairement taillé (39). A ces quatre portiques, s’ajouta enfin la structure construite, à partir de 1780, par B. Guimard, dans l’axe de l’actuelle rue de la Régence. Initialement destinée à répondre tant bien que mal au grillage qui sera à l’opposite du côté du parc. Cet édifice, d’abord conçu par Barré sous la forme d’une façade à portique joignant les hôtels de Templeuve et de Mérode, fut modifiée lorsqu’on décida d’associer la place et le parc (40). Il ne s’agissait plus, en effet, de clore la place sur son axe longitudinal mais, au contraire, d’accentuer, par une mise en scène adéquate, la perception de cette médiane qui prolongeait une des allées du parc. On renonça dès lors à ériger la grille que la Ville s’était engagée à élever entre la place et le parc et on dressa, dans le fond de celle-ci, un portique derrière lequel Guimard réalisa une colonnade hémi-sphérique (41), conçue comme le point de fuite assurant la mise en perspective des différents espaces qui le précédaient.

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            Le Pautre, Inauguration de la statue de Louis XIV sur la Place Louis-Le-Grand à Paris, 13 août 1669, détail. Gravure, Paris Bibliothèque Nationale.
            Photo Paris, BNFFermer
            Inauguration de la statue de Louis XIV sur la Place Louis-Le-Grand à Paris, 13 août 1669, détail.
            Statue équestre de Marc-Aurèle. Bronze romain, vers 170. Rome, Place du Capitole. Photo de l'auteur.
            Photo de l’auteurFermer
            Statue équestre de Marc-Aurèle. Bronze romain.

            Si nous en venons maintenant à la lecture du paradigme politique dont ce site nous paraît entreprendre l’énonciation monumentale, il faut nous attacher aux trois objets architecturaux qui le constituent, à savoir la statue du Prince au centre de la place, les pavillons du périmètre bâti et le vide de l’esplanade qui s’insère entre ces deux éléments. Trois termes qui s’associent et s’articulent pour «re-présenter», au sens étymologique du terme, une allégorie politique témoignant, même si c’est sur un mode optatif, d’une mutation dans la manière de concevoir et de représenter le pouvoir.

            La statue du Prince, exécutée par le sculpteur Pierre-Antoine Verschaffelt (1710-1793)  (42) et offerte par les Etats de Brabant à l’occasion du Jubilé de Charles de Lorraine (43), constituait l’épicentre structurant de ce lieu. Méridien de cet espace et pivot autour duquel s'organisait l’ensemble du site, cette statue pédestre révélait une image du Prince assez différente du modèle traditionnellement en usage dans l’aménagement des places à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle. Il ne s'agit plus ici d'une statue équestre, semblable à celles réalisées par E. Le Hongre, Coysevox, Lemoyne ou Bouchardon, pour les places de Dijon (1680), de Nantes, de Bordeaux (1743) et de Paris (place de la Concorde, 1763), reprenant la typologie de la statue antique de Marc-Aurèle autour de laquelle Michel-Ange avait entrepris de restructurer la place du Capitole à Rome. Le Prince cesse ici de se jucher sur un destrier dont la hauteur, jointe à celle du socle du monument, lui conférait le statut d’une intouchable allégorie du pouvoir; il descend de sa monture, ne gardant au bout de son bras tendu qu’un bâton de commandement, avec lequel il entreprenait, d’un geste bien maladroit dans la statue de Verschaffelt, de maintenir la distance requise par son statut.

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              P. Van REIJSSCHOOT (1738-1795), Tableau allégorique représentant Charles-Alexandre de Lorraine dans le "Livre d'or" de l'Académie royale de Peinture, de Sculpture et d'Architecture de Gand. Aquarelle. Gand, Académie voor Schone Kunsten.
              Photo Gand, Académie voor Schone KunstenFermer
              Tableau allégorique représentant Charles-Alexandre de Lorraine dans le "Livre d'or" de l'Académie royale de Peinture, de Sculpture et d'Architecture de Gand.
              F. Harrewijn, Charles-Alexandre de Lorraine en son cabinet. Gravure. Bruxelles, Bibliothèque Royale.
              Photo Bruxelles, Bibliothèque RoyaleFermer
              Charles-Alexandre de Lorraine en son cabinet.

              Ce ne sont plus ses qualités de Caesar, de général vainqueur, qui sont ici exaltées et cette modification du type iconographique révèle une évolution des attentes cristallisées sur la personne du souverain. Pendant longtemps, en effet, les monarchies ont lié la persistance de leur pouvoir à un accroissement de leur territoire, figeant le souverain dans la pose du général vainqueur. Mais cette conception changea progressivement et, si les défaites militaires accusées à l’époque par l’Autriche et par le Prince Charles en particulier, peuvent avoir eu une incidence ponctuelle sur le choix de ce motif iconographique, on constate cependant une évolution plus générale des typologies en usage. Bien qu’arborant le costume militaire romain, le Prince cesse, en effet, de se figurer ici comme le moyen d’une extension perpétuelle, pour se donner à voir comme celui qui assure, par son autorité et la permanence de son organisation, la sécurité, la paix et la stabilité. Différentes voix s’étaient en effet élevées, ici et là, pour requérir une nouvelle figuration du pouvoir, révélatrice d’un glissement des attentes, mûries sous l’impulsion des Lumières notamment. Ainsi, dans son Essai sur la peinture, la sculpture et l’architecture publié à Paris en 1752, Bachaumont appelle de ses vœux une représentation du Prince debout ou assis tranquillement au milieu de la Ville capitale, pacificateur et fixant chez lui la Paix, l’Abondance, les Sciences et les Beaux-Arts (44). La légitimité qu’on veut reconnaître à cette personnification du pouvoir n’est donc plus établie par la force et la puissance avec laquelle il s’imposait, mais par ses aptitudes du «Prince éclairé»  (45) à assurer un bon gouvernement et les conditions d’une prospérité largement partagée, protecteur des progrès scientifiques et artistiques. L’optimo principi, patriae deliceo est, pour reprendre les termes même de l’inscription gravée sur le socle de la statue de Charles de Lorraine, celui qui assure la félicité de son peuple  (46). Ainsi que le recommandait Du Marsais dans son texte programmatique intitulé Le Philosophe (1743), on attend désormais du Prince, comme du philosophe, qu’ils fassent un usage critique de la raison et qu’ils agissent en fonction de l’utilité sociale (47). Et le pouvoir, répondant en cela aux attentes de ses contemporains, comme aux réalités politiques de son époque, cessa de se présenter comme une «machine de conquête» pour se donner à voir comme le rouage, premier et essentiel, d’une vaste machinerie –sorte d’ersatz laïc de la grande horlogerie divine– capable de «gérer le réel, de le reproduire et de transformer le réel en social»  (48).

              Entre la statue et les pavillons du périmètre, s’étend le vide de l’esplanade, dont le rôle ne peut être négligé dans l’analyse du modèle analogique ici figuré. Car bâtir, c’est cadrer un lieu, emboîter un dedans et engager un dehors et donc articuler des valeurs d’espacement qui sont autant de réceptacles dont l’indétermination même est requise pour assurer l’expression d’un sens (49). D’un sens, ou plutôt d’un ensemble de sens, dont la perception n’est jamais ni exhaustive, ni identique pour chacun. Le vide, en effet, comme Heidegger s’est attaché à le montrer, ne peut être réduit à un rien, à la conception d’un contenant en attente de choses venant l’occuper (50). Il faut pouvoir dépasser ces interprétations restrictives pour rendre à l’espace, et aux valeurs d’espacements qui s’inscrivent entre les pleins des paysages et du bâti, leurs caractères spécifiquement dynamiques, leurs aptitudes à définir des lieux prédisposés à l’émergence d’un événement et à son cadrage dans le champ social.

              La Place royale de Bruxelles. Gravure anonyme du XVIIIe siècle. Bruxelles, Archives de la Ville.
              Photo Bruxelles, Archives de la VilleFermer
              La Place royale de Bruxelles.

              Ce lieu fonctionne, en effet, dans la logique des analogies que le XVIIIe siècle a développées entre le théâtre et l’architecture (51), comme une scène symbolique où chacun peut faire l’expérience d’une certaine façon d’être au monde et appréhender, mentalement mais surtout physiquement, certaines structures de sociabilité. Le vide des places possède une vitalité symbolique naturelle qui les dote d’une capacité toute particulière à produire du sens et à le faire circuler. Une capacité existentielle, parfois représentée avec une évidence poétique troublante. On pense, bien sûr, à Chirico, à ses places «chauffées au soleil» mais aussi et avant lui, aux tableaux de perspectives de la Renaissance italienne qui visualisent, par la rigueur avec laquelle ils exposent le théorème perspectif, l’indissoluble présence de ce vide. La place prend alors le relais du proscenium des théâtres classiques. Elle se pose comme un cadre conçu et aménagé pour que les individus puissent y appréhender, et surtout partager, certaines valeurs fondamentales qui régissent l’ordre établi. Les lois, le pouvoir, les forces et l’ordre qui y sont exposés à l’expérience d’une proximité abandonnent leur caractère abstrait; elles s’y démettent de leur autorité imposante et autosuffisante pour commencer à «prendre sens»  (52). Un sens proposé à tous en partage.

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                Place royale avec l'église Saint-Jacques sur Coudenberg. Bruxelles, Photo de l'auteur.
                Photo de l’auteurFermer
                Place royale avec l'église Saint-Jacques sur Coudenberg.

                Les pavillons, qui définissent autour du portail de l’église Saint-Jacques le pourtour quadrangulaire de la place, reproduisent tous le même modèle de façade. C’était là une des options initiales du projet, dont témoignent les textes par la récurrence avec laquelle ils évoquent les concepts de symétrie (53), de régularité (54) et même de régularité nécessaire (55). L’intention du gouvernement, concrétisée par le cahier des charges imposé aux propriétaires, était de construire sur un plan simple mais uniforme et régulier (56). Ce souci de régularité était alors intimement associé à la notion d’embellissement de la ville (57) qui fondait toute la réflexion urbanistique du XVIIIe siècle; il est question d’embellir la ville et de se servir des bâtiments pour décorer la place (58) ou, plus précisément, d’établir un cadre d’architecture homogène autour de l’effigie du Prince. Un cadre qui la sertisse et lui fasse fond, puisque, selon les préceptes formulés par P.-D. Delamaire, une statue ne peut bien se discerner à la vue, c’est-à-dire dessiner et profiler, que contre des limites suffisamment élevées pour lui faire fond; sans quoi, on la perd dans l’air ainsi que dans le lointain ou même contre le ciel (59).

                Th. More, Utopia. Gravure, 1516. Bruxelles, Bibliothèque Royale.
                Photo Bruxelles, Bibliothèque RoyaleFermer
                Utopia. Gravure, 1516.
                La Strada nuova à Gênes, 1551-1576. Gravure. Bruxelles, Collection privée.
                Photo Bruxelles, Collection privéeFermer
                La Strada nuova à Gênes, 1551-1576.

                Mais il est, au-delà de cette réflexion esthétique qui établit le périmètre bâti dans un rôle de faire-valoir de la statue, d’autres références qui sous-tendent cette modélisation de l’architecture et qui renvoient au mythe de la «cité idéale». Cette «idée» d’une cité idéale, dont les prolégomènes remontent à Platon et au module, à la fois géométrique et politique, qu’il proposa pour rendre les Lois immuables en les enracinant dans le sol (60), a connu ainsi que l’a brillamment montré F. Choay, un formidable réinvestissement à partir du XVIe siècle. L’Utopia (1516) de Th. More, l’abbaye de Thélème de Rabelais, la construction de la Strada Nuova à Gênes (deuxième moitié du XVIe siècle) et les propositions rationalistes de Simon Stévin dans son Stercktenbouwing (1594), sont quelques-uns des jalons qui témoignent, sur des modes chaque fois diversifiés, de la vitalité d’une pensée qui associe réforme architecturale et politique. L’organisation du territoire y est, en effet, chaque fois considérée comme un moule, comme un creuset capable d’améliorer les rapports entre les hommes et de donner une matérialité tangible, et par-là même partageable, à un projet de société. Cette réflexion politico-urbanistique se prolonge tout au long du XVIIe siècle, avec des textes tels que la Cité du Soleil (1602) de T. Campanella, la Nova Atlantis (1627) de F. Bacon et jusqu’à la Thébaïde fondée par Wolmar dans la Nouvelle Héloïse (1761) de Rousseau (61). Des projets et réflexions théoriques qui connaitront plusieurs tentatives de matérialisation qu’illustrent, entre autres, les Reducciones, petites cités idéales fondées par les Jésuites en Amérique sur l’idée d’un christianisme heureux, les tracés régulateurs des implantations Quakers ou les aménagements du tourisme thermal réalisés à Bath par les Wood (62), et plus tard les phalanstères et autres familistères.

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                  La standardisation du bâti, qui est proposée comme un «reflet» de l’homogénéité des institutions et de la cohérence des différents corps sociaux, est donc considérée, depuis Th. More, comme le «moyen d’une moralisation de la société»  (63). C’est une forme «conjuratoire»  (64) qui entend limiter les effets perçus comme dissolvants des libertés individuelles. La régulation isotrope et isomorphique de l’habitat est, en ce sens, le moyen d’encadrer des comportements trop individualistes et d’affirmer, d’une manière visuelle forte, la nécessité d’une récollection des énergies individuelles au service d’un projet commun, figuré par l’harmonieuse cohérence des architectures.

                  La Place royale bruxelloise met donc en scène un ensemble de pouvoirs, un système de pouvoirs. Elle se constitue autour de la statue du Prince et rassemble, sur les bords d’un espace dont la vacuité suscite des rapports dialectiques, un ensemble régulier de bâtiments qui re-présentent les composantes prégnantes de la société qui les a érigés. L’église, les hôtels de la noblesse, les maisons des abbayes, le pavillon de la corporation des Brasseurs et celui du Lotto, forment, avec l’hostellerie d’un bourgeois ambitieux, une configuration qui objective les puissances et les aspirations en place. Le site est en cela le portrait multiple et contradictoire de ce que les pouvoirs sont, de ce qu’ils tentent d’être, et de la manière dont ils se donnent à voir (65).

                  Mais la lecture d’une structure métaphorique ne saurait se limiter à l’identification de ses composantes. Il importe d’adjoindre, à la reconnaissance du vocabulaire utilisé, l’analyse des structures grammaticales qui associent ces éléments, car elles seules donnent sens à l’ensemble qu’elles constituent en établissant la nature des rapports que ces divers éléments constitutifs entretiennent. Composée de la statue, du périmètre bâti et du vide de l’esplanade, la Place royale bruxelloise apparaît régie par deux schèmes spatiaux, divergeant mais conjoints, qui donnent le, ou les sens, ambivalents et nécessairement ambigus, de l’incitation qu’elle formule. Sa première structure compositive est celle de l’étendue homogène et isotrope des pavillons du périmètre qui donnent l’image d’un ordre consensuel, tandis que la seconde articule une structure hiérarchisée explicitée par la présence, au centre de la place, de l’effigie du Prince qui affirme sa primauté du fait même de cette position médiane.

                  Rassemblement des troupes sur la Place royale le 20 septembre 1787. Gravure anonyme. Bruxelles, Bibliothèque Royale, Cabinet des Estampes.
                  Photo Bruxelles, Bibliothèque Royale, Cabinet des EstampesFermer
                  Rassemblement des troupes sur la Place royale le 20 septembre 1787.
                  Le Pautre, Inauguration de la statue de Louis XIV sur la Place Louis-Le-Grand à Paris, 13 août 1669, détail. Gravure, Paris Bibliothèque Nationale.
                  Photo Paris, BNFFermer
                  Inauguration de la statue de Louis XIV sur la Place Louis-Le-Grand à Paris, 13 août 1669, détail.

                  Mais cette primauté n’est plus celle des premières places royales qui, au XVIIe et au début du XVIIIe siècles, mettaient en scène la toute puissance d’un monarque auquel la société civile faisait, pour reprendre ici l’expression de P.-D. Delamaire, simplement fond. Le rapport proportionnel entre ces deux figures du système politique ici figuré est modifié et un nouvel équilibre s’établit. On peut y relever une dissociation significative entre la personne du Prince, représentée par la statue, et le corps de la Nation, conceptualisé par les différents hôtels de la place. Une «séparation de corps» qui témoigne que la formule «l’Etat, c’est moi» et sa variante «L’ordre public tout entier émane de moi», proférée par Louis XV lors du fameux Discours de la Flagellation (1766), sont en passe de devenir anachroniques. On passe, ainsi que le relève D. Rabreau (66), de la «place écrin», espace privilégié du culte monarchique, à une version plus «civique», qui met en image un nouveau rapport entre le souverain et ce que l’on commence à appeler la «nation». Le vide de l’esplanade, qui s’insère ici à Bruxelles entre la statue du Prince et les hôtels de la Société, cesse de par ses proportions d’accentuer la distance qui les sépare, pour se poser comme le lieu d’un troisième terme, d’un «neutre dynamique»  (67), qui aménage l’illusion d’une mise en équilibre des forces en opposition. Ce vide permet au Prince de cautionner sa prétention au rôle de juge et arbitre qui fonde l’équité de sa justice et confère une nouvelle légitimité à son arbitraire, mais il crée en même temps l’espace de représentation de cette nouvelle forme d’association rêvée par Rousseau par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéit pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant (68).

                  Il nous apparaît donc que cette Place royale de Bruxelles concrétise une somme d’aspirations caractéristiques de la société qui les a formulées, mais qu’elle remplit, en même temps, une fonction de leurre idéologique parce qu'en dressant le tableau équivoque d’une synthèse possible entre des intérêts politiques, économiques et sociaux divergents, elle dissimule l’écart maintenu entre ces intérêts contradictoires et met en scène la fiction nécessaire d’une «nouvelle alliance», de ce «contrat social», prôné par Locke et auquel J.J. Rousseau donna un nouveau ressort démocratique.

                  Mais si le discours du politique est ici très explicite, comme sa volonté de faire de ce site le lieu d'expression du pouvoir et de son autorité, peut-être faut-il avoir la générosité de ne pas restreindre les performances de ce lieu à cette seule dimension de propagande. En effet, si toute autorité doit pouvoir marquer de son empreinte le quotidien des jours, il faut peut-être aussi pouvoir reconnaître à ces lieux une capacité à être aussi des «dispositifs de bienveillance»  (69), puisqu'en présentant une image accordée, harmonisée de la société et de ses corps constitués, ces places tendent à suspendre momentanément une approche critique du monde. «Tempérant les urgences du réel», elles entreprennent de le pacifier. Se posant comme les lieux d’un aménagement possible entre l’absolu et le relatif  (70), ces lieux se proposent comme des espaces réservés, préservés, où «une certaine illusion de la bienveillance peut prendre corps»  (71).

                  Cette illusion culturelle d’une certaine bienveillance est certes mensongère, elle est aussi nécessaire (72) car, pour qu’une relation au monde soit possible, il faut que celui-ci soit aménagé de manière à ne pas apparaître trop menaçant (73), qu’il suscite assez de confiance pour générer des comportements créatifs et les modalités de certaines formes de sociabilité. Cette confiance, initiale et fondamentale, qui doit continuellement être restaurée (74), nourrit en effet la capacité des individus à traiter avec leur environnement comme avec leurs semblables, les rendant ainsi aptes à transformer le réel en réalité, le réel en social.

                  La Place royale avec l'Arbre de la Liberté. Toile anonyme de la fin du XVIIIe siècle. Bruxelles, Musée de la Ville.
                  Photo Bruxelles, Musée de la VilleFermer
                  La Place royale avec l'Arbre de la Liberté. Toile anonyme de la fin du XVIIIe siècle.

                  L’efficacité de ce système urbanistique, indubitablement normatif, survivra à la célébration ponctuelle du pouvoir particulier qui l’a érigé. Il constitue, au centre de Bruxelles, le cadre «réversible» d’un rapport accordé au monde que s’approprieront les époques successives, en le ponctuant d’objets étymologiques de leurs ambitions particulières. Les révolutionnaires français remplaceront la statue du prince (75) par un arbre de la Liberté, tandis que les pères de la nation introniseront, au centre de la place, Godefroid de Bouillon, l’un de leurs illustres prédécesseurs (76). Plus tard, quand la constitution identitaire s’appuiera de manière privilégiée sur des arguments culturels, on verra en ces lieux se multiplier les musées  (77).

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                    Notes

                    NuméroNote
                    1 SMOLAR-MEYNART A., «Introduction. A la recherche des définitions», In Le Quartier royal. Sous la direction scientifique de A. Smolar-Meynart et de A. Vanrie. Bruxelles, CFC Editions, 1998, p 9.
                    2 Voir notamment, Le palais de Bruxelles. Huit siècles d’art et d’histoire. Sous la direction scientifique de A. Smolar-Meynart et de A. Vanrie. Bruxelles, 1991 ainsi que Le quartier royal. Sous la direction scientifique de A. Smolar-Meynart et de A. Vanrie. Bruxelles, CFC Editions, 1998. Ces à ces deux études que nous emprunterons ici l’essentiel des éléments historiques nécessaires pour fonder notre réflexion sur le symbolisme de ces lieux.
                    3 Pour un bilan provisoire de ces fouilles, nous renvoyons notamment à l’article de BONENFANT P.-P., «Les restes tangibles de l’Aula magna de Philippe le Bon», In Le Quartier royal, op cit, p 97-113.
                    4 BAUDRILLARD J., Pour une critique de l’économie politique du signe. Paris, Gallimard (Tel), 1972, p 11-13.
                    5 PEREZ-GOMEZ A., «L’espace de l’architecture: la signification en tant que présence et représentation. In Le sens du lieu. Ousia Editions, 1996, p 130.
                    6 Leçon inaugurale au Collège de France citée par DEWITTE J., «Visage des choses, visage des lieux», In Le sens du lieu, op. cit., 1996, p 242.
                    7 Voir notamment GACHARD L.P., «L’incendie du palais royal de Bruxelles (3 février 1731)», In Bulletin de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. 2e série, t. XXXV. Bruxelles, 1873, p 109-147, et SAINTENOY P., Les arts et les artistes à la cour de Bruxelles. Bruxelles, 1932-1935, t. III, p 142 et ss. Voir aussi HUISMAN M., «Quelques documents inédits sur la cour de l’archiduchesse Marie-Elisabeth d’Autriche, gouvernante des Pays-Bas», In Annales de la société d’archéologie de Bruxelles, XV, 1901, p 70-75.
                    8 DES MAREZ G., La place Royale à Bruxelles. Genèse de l’œuvre, sa conception et ses auteurs. Mémoires in 4° de la classe des Beaux-Arts de l’Académie Royale de Belgique, 2° série, t. I. Bruxelles, 1923; SAINTENOY P., Les arts et les artistes à la cour de Bruxelles. Bruxelles, 1935. Précisons que ces deux études ont constitué la base de notre documentation sur la période autrichienne de ce site.
                    9 D’HAINAUT-ZVENY B., «La place Royale de Bruxelles. L’édification d’une allégorie politique néo-classique», In Le Quartier Royal. op. cit., 1998, p 155-187.
                    10 AGR, Chambre des Comptes, Palais Royal, n° 751. Notons ici que ce mémoire n’est pas daté mais que P. Saintenoy pense pouvoir le situer aux environs de 1751. SAINTENOY P., op. cit., 1935, p 175-187.
                    11 Vienne, Albertina, Architekturzeichnung, inv. 7566, Mappe 75, Umschlag 1, n°7.
                    12 AGR, Cartes et Plans manuscrits, n° 512 A.
                    13 AGR, Chancellerie autrichienne, n° 448. Relation de Charles de Lorraine à Marie-Thérèse, 5 juillet 1761. Nous remercions ici Michèle Galand qui nous a fait connaître ce document.
                    14 AGR, Cartes et plans manuscrits, n° 512 A.
                    15 AGR, Chambre des Comptes, Palais Royal, n° 751. Notons ici que ce mémoire n’est pas daté mais que P. Saintenoy (op. cit., 1935, p 175-187) pense pouvoir le situer en 1751.
                    16 AGR, Création du Parc et de la Place royale, t. XXI, fol. 85. Document publié par DES MAREZ G., op. cit., 1923, p 95-96.
                    17 AGR, création du Parc et de la Place royale, t.I. Texte cité par G. DES MAREZ, op. cit., 1923, p 5-6.
                    18 Note de la Chambre des Comptes, citée par G. DES MAREZ, op. cit, 1923, p 98.
                    19 DE REN L., «Het standbeeld van Karel Alexander van Lotharingen te Brussel. Een verloren werk van P.A. Verschaffelt (1710-1793), In Antiek, 17, 1982, p 75-77; HOFFMANN E., Peter Anton von Verschaffelt, Hofbildhauer der Kurfürsten Carl Theodor in Mannheim. Thèse de doctorat présentée à la Ruprecht-Karl-Universität Heidelberg, Mannheim, 1982.
                    20 Son portrait, ses armes ainsi qu’une inscription commémoraient ce rôle sur le site même de la place. SAINTENOY P., op. cit., 1935, p 278.
                    21 AVB, Registre de la Trésorerie, n° 1312, fol. 64, publié par DES MAREZ G., op. cit., 1923, p 107-113. Voir aussi AVB, Travaux publics, n° 510, pour le contrat d’échange des terrains (30 novembre 1774).
                    22 ANCIAUX S., «Gilles-Barnabé Guimard», In Bulletin de la Société royale d’Archéologie de Bruxelles, 1934; ISSAVERDENS B., «Le château de Wanneghem-Lede», In Maisons d’hier et d’aujourd’hui, 1984, n° 62, p 24-53; SOMERHAUSEN L. et VAN DER STEENE W., Le Palais de la Nation. Bruxelles, 1981; DUQUENNE X., «Guymard», In L’Intermédiaire des généalogistes, 1984, p 399 ; «Gilles-Barnabé Guimard (1734-1805)», In Académie de Bruxelles, Deux siècles d’architecture. Bruxelles, Archives d’Architecture Moderne, 1789, p 120-123; DUQUENNE X., Le parc de Bruxelles. Bruxelles, CFC Editions, 1993, p 35-36.
                    23 Il avait notamment bâti l’hôtel parisien (1767-1769) de Grimod de La Reynière, directeur général des Fermes unies de France et de la douane de Lyon.
                    24 Banquier du roi et de Marie-Antoinette, archiduchesse d’Autriche, Joseph de La Borde était aussi le beau-fils de Madame de Nettine et le correspondant de sa banque à Paris.
                    25 AGR, Création du Parc et de la Place royale, t. V. Note relative aux honoraires dus à l’architecte Barré, août 1775, publié par DES MAREZ G., op. cit., 1923, p 114-116.
                    26 AGR, Cartes et plans, n° 518. 205 cm x 254 cm.
                    27 Précisons toutefois que le projet attribué à Fisco (Sint-Lukasarchief) prévoyait, lui aussi, un accent médian fort.
                    28 Cette extension du projet fit l’objet de différentes conventions approuvées par lettres patentes du 20 juillet 1776. G. DES MAREZ, op. cit., 1923, p 10.
                    29 DES MAREZ G., op. cit., 1923, p 10.
                    30 AGR, Cartes et Plans manuscrits, n° 41.
                    31 DES MAREZ G., op. cit., 1923, p 13. On trouvera de nombreux renseignements sur ce projet aux AGR, dans les tomes IV et V du fonds Création du Parc et de la Place royale.
                    32 GALAND M., «La vie de Cour à l’heure espagnole et autrichienne, et les révolutions», In Le Quartier Royal, op. cit., 1998, p 144.
                    33 Voir notamment AVB, Registre de la Trésorerie, n° 1312, fol 64, publié par DES MAREZ G., op. cit., p 107-113.
                    34 Pour plus de détails sur les contributions forcées des couvents et des abbayes, nous renvoyons à l’article de VERMEIRE M.,«Le Quartier royal: bâtisseurs et occupants», In Le Quartier Royal, op. cit., et particulièrement aux p 193-202.
                    35 Pour de plus amples détails sur ces différentes interventions, nous renvoyons à DES MAREZ G., op. cit., 1923, notamment p 75-95 et SAINTENOY P., op. cit., 1935, p 313-341.
                    36 AVB, Fonds travaux publics, n° 510. Conditions de vente pour les terrains de la Place royale insérées dans l’acte d’acquisition d’un terrain par Philippe de Proft, 17 janvier 1776, publié par DES MAREZ G., op. cit., 1923, p 130-137.
                    37 Ainsi tout le soubassement en rustique y compris les corniches, clefs, consoles et moulures, depuis le rez-de-chaussée jusqu’au premier étage (devaient, selon ces prescriptions) être exécutés en pierre de taille. Tous les chambranles des fenètres tant du premier étage que de l’attique seront exécutés aussi en pierres de taille bleues ou blanches ainsi que toutes les moulures denticulés de la corniche et de la console...les trumeaux formant les pilastres et les vuides entres les fenètres pourront être exécutés soit en pierres, soit en briques, au choix des acquéreurs...(tandis que) la grande corniche architravée d’ordre ionique à modillons sera entièrement construite en pierre de taille ainsi que la balustrade...Tous les toits seront couverts d’ardoises. On sera tenu de les élever à la hauteur et selon une pente uniforme désignée dans les plans... (et) il ne sera pas permis d’y construire des tuyaux de cheminées visibles vers la place Royale. Toutes les portes et châssis devront être construits en bois de chêne... et sculptés exactement comme les desseins et profils...ci-devant réclamés; ils seront tous peints à l’huile d’une couleur uniforme. Toutes les façades devront également être peintes, entretenues et renouvellées lorsque le besoin sera, à l’huile aux frais des acquéreurs et ce de la couleur qui sera désignée après la révolution des deux premières années. Enfin, les châssis... ne pourront être remplis autrement qu’en grands carreaux de la grandeur désignée dans le plan et ce en beaux verres blancs, dont on sera tenu de faire voir un échantillon pour être approuvé.
                    38 Voir notamment AGR, Chambre des Comptes, n° 470, fol. 184. Acte en faveur de la douairière de Templeuve, 9 mai 1785, cité par DES MAREZ G., op. cit., 1923, p 204.
                    39 Ces portiques transposent en cela la théorie du «contraste retardé» qui avait fait la grandeur des jardins royaux du XVIIe siècle (Versailles, Marly) en assurant dans le milieu urbain, l’articulation de différents types d’espaces, du plus ordonnancé au plus vernaculaire.
                    40 AGR, Création du Parc et de la Place royale, t. I, fol. 191, cité par DES MAREZ G., op. cit., 1923, p 65.
                    41 AGR, Cartes et Plans, n° 714.
                    42 Le 5 mars 1769, les Etats de Brabant votèrent l’attribution d’un don de 60.000 florins à Son Altesse Royale, dont ils souhaitaient réserver un tiers à l’érection d’une statue qui perpétuerait leur reconnaissance et leur gratitude. GACHARD L.P., «Le Jubilé du prince Charles de Lorraine, 1769-1775», In Documents concernant l’histoire de la Belgique. t. III. Bruxelles, 1835.
                    43 AGR, Secrétairie d’Etat et de Guerre, n°2607, fol 4. Voir aussi sur ce sujet D’HAINAUT-ZVENY B., «Fêtes, festivités et réjouissances sous le gouvernement de Charles de Lorraine», In Charles-Alexandre de Lorraine, Gouverneur général des Pays-Bas autrichiens. Catalogue de l’exposition Europalia Autriche. Bruxelles, Palais de Charles de Lorraine, 1987, p 120 et ss.
                    44 BACHAUMONT, Essais sur la peinture, la sculpture et l’architecture. Paris, 1752, cité par HAROUEL J.-L., op. cit., 1993, p 8.
                    45 Ce concept de «prince éclairé», qui est une réactualisation de l’image antique du «roi philosophe», s’est développé et répandu dans l’opinion publique européenne depuis 1740. Dans un premier temps, cette notion reste abstraite et ne concerne que très peu la réalité pratique mais, entre 1740 et 1789, les Lumières eurent, grâce à ce modèle, un impact réel sur certains souverains européens.
                    46 Pour le détail de cette inscription, se référer à SAINTENOY P., op. cit., 1935, p 200.
                    47 STRUGNELL A., «L’idéal du prince éclairé et son accueil dans les cours européennes», In Dictionnaire des Lumires.
                    48 APOSTOLIDES J.M., op. cit., 1981, p 157.
                    49 PAYOT D., «L’espace, partage du sens», In Le sens du lieu. Bruxelles, Ousia, 1996, p 72.
                    50 PAYOT D., «L’espace, partage du sens», In Le sens du lieu. op. cit., 1996, p 70 et ss.
                    51 Voir notamment sur ce sujet SENNETT R., The Fall of public Man. Cambridge, University Press, 1977.
                    52 PAYOT D., op. cit., 1996, p 81.
                    53 AGR, Création du Parc et de la Place royale, t. XXIII, fol. 260. Convention entre les Brasseurs et le gouvernement pour la reconstruction de l’hôtel de Mérode, publié par DES MAREZ G., op. cit., 1923, p 176.
                    54 AGR, Création du Parc et de la Place royale, t. XXI, fol. 3, AVB, Registre de la Trésorerie, n° 1312, fol. 64, AVB, travaux publics (fonds moderne), n° 3605, cités par DES MAREZ G., op. cit., 1923, p 98, 110 et 215.
                    55 AVB, Registre de la Trésorerie n° 1312, fol. 64, cité par DES MAREZ G., op. cit., 1923, p 108.
                    56 AVB, Travaux publics, n° 510, cité par DES MAREZ G., op. cit., 1923, p 135.
                    57 AVB, Registre de la Trésorerie, n° 1312, fol. 64, AGR, Chambre des Comptes, n° 153, cités par DES MAREZ G., op. cit., 1923, p 107 et 140.
                    58 AGR, Chambre des Comptes, n° 469, fol. 360, cité par DES MAREZ G., op. cit., 1923, p 147.
                    59 SOURNIA B., «La place Louis le Grand de Montpellier», In Gabriel et l’urbanisme ou le rôle de la place dans l’ordonnance urbaine. Monuments historiques n° 120, mars-avril 1982, p 46.
                    60 CHOAY F., La règle et le modèle. Sur la théorie de l’architecture et de l’urbanisme. Paris, Seuil, 1996, p 203-205.
                    61 CHOAY F., op. cit., 1996, p 198.
                    62 Sur ces diverses réalisations, on consultera avec autant d’intérêt que de plaisir le très beau volume de VERCELLONI V., La Cité idéale en Occident. Paris, Philippe Lebaud, 1996.
                    63 Nous reprenons ici les termes de CHOAY F., op. cit., 1996, p 186.
                    64 CHOAY F., op. cit., 1996, p 212.
                    65 FOUCART B., op. cit., 1982, p 58.
                    66 RABREAU D., «Royale ou commerciale, la place à l’époque des Lumières», In Gabriel et l’urbanisme ou le rôle de la place dans l’ordonnance urbaine. Monuments historiques, n° 120, mars-avril 1982, p 33.
                    67 MARIN L., Utopiques: jeux d’espaces. Paris, Editions de Minuit, 1973, p 33-34.
                    68 Contrat Social, I, VI.
                    69 Belin, Une sociologie des espaces potentiels…, op. cit., p. 155.
                    70 Id., p. 194.
                    71 Id., p. 231.
                    72 Id., p. 194.
                    73 Id., p. 24.
                    74 Id., p. 15.
                    75 Cet arbre, abattu en 1814, est figuré dans un tableau anonyme de la fin du xviiie siècle, conservé à Bruxelles, au Musée de la Ville.
                    76 Due au sculpteur Eugène Simonis (1810-1882).
                    77 Parmi une bibliographie très abondante, voir Dominique Poulot, Musée, nation, patrimoine 1789-1815, Paris, Gallimard, 1997; Loir, L’émergence des Beaux-arts en Belgique. Institutions, artistes, public et patrimoine de 1773 à 1835, Études sur le xviiie siècle, 2004, hors série n° 10.