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Peinture - Sculpture - Epoque contemporaine - France - Histoire de l'art Marine Lagasse Le Paratexte d’exposition de Daniel Buren Processus d’autolégitimation dans le milieu de l’art contemporain
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Expert
Reporticle : 210 Version : 1 Rédaction : 27/06/2017 Publication : 29/09/2017

Introduction

Le paratexte auctorial offre la possibilité d’étudier le discours d’artiste sous un angle nouveau. Ce concept littéraire en interroge en effet davantage la nature que le contenu. Si les paroles d’artiste sont reconnues comme garantes de la signification première de l’œuvre, elles ne sont que trop rarement questionnées pour les stratégies qu’elles peuvent porter en elles. La paratextualité développée par Gérard Genette (1) durant les années 80 désigne un type de relation établie entre des textes et l’œuvre littéraire. Ainsi le texte premier, l’œuvre, est entouré d’une série d’autres textes dont la fonction générale consiste à présenter le premier : les paratextes influent dès lors toujours sur le sens et sur la réception de l’œuvre (2). Ce concept a été repris par Jérôme Glicenstein (3) pour l’appliquer à l’exposition d’art contemporain dans laquelle l’objet plastique, l’œuvre, se structure par la présence d’autres éléments discursifs qui servent entre autres à le définir. Le paratexte d’exposition d’art, de la même manière que le paratexte littéraire, sert à présenter l’œuvre, c’est-à-dire selon les deux sens du terme à l’introduire et, plus encore, à la rendre présente (4). Concrètement, le paratexte recouvre les éléments textuels comme le titre de l’œuvre, sa signature, ses dédicaces, sa préface et ses notes. Ainsi Glicenstein observe que, tel un texte littéraire, une œuvre d’art n’est jamais exposée seule en dehors de tout support de médiation mais que l’exposition y joint des discours et autres dispositifs qui la mettent en forme (5). Genette reconnaît déjà dans la conclusion de Seuils l’application du concept de paratexte à des domaines variés : « il est évident que d’autres arts, sinon tous, ont un équivalent de notre paratexte : ainsi du titre en musique et dans les arts plastiques, de la signature en peinture, du générique ou de la bande-annonce au cinéma, et de toutes les occasions de commentaire auctorial qu’offrent les catalogues d’exposition, […] » (6). De là, Glicenstein construit assez aisément un parallèle avec les objets d’art : l’exposition peut se reconnaître comme un ensemble de textes, élaborant un discours qui accompagne les œuvres plastiques. Dans l’étude plus particulière du paratexte auctorial artistique (7), le discours d’artiste s’interroge à travers un nouveau prisme. Cette perspective, vous le constaterez, permet d’enquêter sur des démarches bien différentes de celles concernant le seul souci esthétique auquel l’historien d’art s’intéresse. Aux croisements de disciplines telles que la sociologie d’art et l’étude du langage, nous développerons ici les stratégies que recouvrent le paratexte du plasticien Daniel Buren dans sa carrière internationale d’artiste contemporain.

La Pratique paratextuelle de Daniel Buren

Dans cette étude, le paratexte de l’artiste s’est circonscrit, pour diverses raisons méthodologiques, aux textes publiés, écrits, et auctoriaux. Du corpus est donc exclue toute archive privée pour se concentrer uniquement sur les sources publiques. Tout paratexte visuel est également rejeté, telles que les photographies et les croquis mais aussi toute production émanant d’un tiers, tels que les conservateurs, les critiques ou les journalistes. Les interviews sont par contre incluses étant donné que la forme particulière de l’entretien reproduit une conversation fictive (8) et reprend telles quelles, dans une volonté de témoignage direct, les paroles de l’interviewé. Ainsi, nous nous focalisons bien sur le discours de l’artiste qu’il a souhaité rendre public. Daniel Buren produit depuis 50 ans une quantité impressionnante d’écrits : ce foisonnement fournit une base documentaire à la fois étendue et variée, idéale pour appliquer les recherches de Genette au domaine de l’art. Le plasticien produit et republie depuis les années 1967 des textes en tout genre pour accompagner et commenter ses expositions. Au lieu d’en dresser une cartographie complète, il est proposé dans ce qui suit quelques cas formels ponctuels, mais néanmoins exemplatifs de sa démarche.

Le Catalogue d’exposition

Artiste très actif que ce soit dans les musées, les centres d’art ou les galeries, Daniel Buren est amené à devoir intégrer son discours dans les publications institutionnalisées (9). De fait, chaque exposition est accompagnée de son catalogue afin que les visiteurs disposent d’un support d’informations directement en lien avec l’exposition. Buren l’a bien compris et en fait usage de diverses manières. Encore proche de l’expérience BMPT (10), il réutilise dans ses catalogues, à la fin des années 60, les descriptions neutres du type « Il faut y voir » (annexe 1) de la Manifestation 3. Ce mode descriptif tente en réalité de faire comprendre la démarche artistique de l’artiste. Par la suite, le plasticien se fait plus explicite et profite des catalogues pour diffuser ses textes théoriques et autres déclarations fondatrices : Mises en garde (11), Repères (12), Fonction du musée (13), Limites critiques (14), Exposition d’une exposition (15) ou encore Fonction d’une exposition (16) constituent les réflexions générales sur le monde de l’art et sur sa pratique artistique. Ces écrits produits au début des années 70 seront réédités de nombreuses fois dans les catalogues d’exposition jusqu’à vingt ans après leur première publication. Ces textes seront également traduits en plusieurs langues : en anglais, en allemand, en italien, en croate, ou encore en turc (17). Dès les années 70, les listings de ses expositions tels que Exposition – Position – Proposition (18) circulent dans les catalogues d’exposition dès la Documenta 5 de juin 1972 ou dans sa nouvelle version appelée Quis, quid, ubi, quibus, auxiliis, cur, quomodo, quando ? (19) reprise dans son entièreté jusqu’au milieu des années 80. Ainsi, le souci de diffuser son palmarès artistique et rédactionnel se perçoit très tôt. En 1983, le catalogue Points de vue (20) constitue déjà une compilation de nombreux extraits de textes des années 70 et 80. Il est utile de noter que les ouvrages et souvent les articles contiennent une sélection bibliographique de l’artiste, et ce, durant toute sa carrière (21). Vers 1990, Buren incorpore des descriptifs de la conception et réalisation de son œuvre dont des exemples parlants peuvent se retrouver, entre autres, dans Sept octogones fragmentés par le lieu (22) datant de 1989 et dans Transformation/Transformé (23) de 1994. Ces descriptions complexes informent le lecteur des réflexions de l’installation et des détails de la conception. Plus récemment dans les années 2000, Daniel Buren laisse une grande place à l’entretien. Bien que cette forme de discours ne soit pas nouvelle, elle apparaît fréquemment aux côtés des descriptions de projets. Il s’agit là d’une tendance générale et, bien entendu, les textes théoriques ou autres interventions ne sont pas devenus inexistants. L’entretien apparaît toutefois comme une formule qu’il apprécie particulièrement (24). Dans ses catalogues, Daniel Buren fait circuler – par de multiples rééditions – ses textes fondateurs, sa bibliographie et la liste chronologique de ses travaux. Il y accorde une attention particulière et laisse assez peu de place à l’intervention d’autres auteurs. Son site web relève d’une autre forme de catalogue dans lequel, à côté d’une bibliographie très complète, est compilée toute information portant sur ses expositions, mais aussi ses œuvres identifiées individuellement, classées par année et par lieu. Le site est construit dans un souci d’exhaustivité manifeste et est mis à jour régulièrement. Il représente une source de documentation inépuisable et s’impose, pour toute personne qui souhaite étudier le travail de Daniel Buren, comme référence incontournable.

Du Mode d’emploi aux certificats d’acquisition

Concernant d’autres genres paratextuels, Daniel Buren s’est efforcé de se les approprier. Le mode d’emploi constitue un modèle sur lequel se construisent les Avertissements (25) utilisés des années plus tard. Les instructions de réalisation d’œuvres, dictées dans les modes d’emploi, ne sont pas pour autant un usage systématique de l’artiste. Au-delà d’un mode de réalisation du type des Wall Drawings de Sol LeWitt, Daniel Buren y intègre des éléments de mise en exposition. Les Instructions de 1989, rédigées à l’occasion d’une exposition itinérante The Presence of Absence : New Installations aux Etats-Unis, fournit un exemple-type de ce genre paratextuel (annexe 2). Deux paramètres s’intègrent spécifiquement dans la pratique de Daniel Buren : les indications muséographiques de la mise en espace de son œuvre plastique et la possibilité de l’adapter au fil du temps, selon son éventuel passage de main en main. Mais les modes d’emploi ne sont pas à l’usage exclusif d’un acquéreur (26) puisqu’ils sont destinés tant aux institutions exposantes qu’aux publics successifs de son travail. Il s’agit ici de s’assurer que l’œuvre soit appréhendée sous tous ses aspects et reste conforme au projet de l’auteur, difficulté due principalement à son caractère in situ. Ces modes d’emploi doivent par conséquent être communiqués avant l’exposition ou, au plus tard, conjointement à l’œuvre pendant son exposition. L’usage des modes d’emploi se fait particulièrement fréquent par l’application des Certificats d’acquisition, aussi appelés plus tard les Avertissements. Daniel Buren a mis en place depuis la fin des années 60 une forme de contrat très spécifique, qu’il baptise, dans sa dernière version, Avertissement. Dans le cadre de l’analyse du paratexte, ces certificats d’acquisition sont pertinents à étudier car ils contiennent des indications importantes sur la mise en exposition. Davantage que des recommandations, les informations scénographiques qu’ils contiennent définissent en réalité l’œuvre achetée et garantissent la conformité de l’œuvre à l’intention de l’artiste : si l’acquéreur ne les respecte pas, il ne s’agira tout bonnement pas du travail de Buren (27). Ainsi ce certificat accompagne bien la présentation de l’installation. Il s’agit a priori d’un paratexte exclusivement destiné à l’institution ou au collectionneur et qui ne peut être en lui-même exposé sans l’accord de Daniel Buren, comme le précise le point c. de l’Avertissement (annexe 3). Toutefois, une version vierge de ce contrat est de nombreuses fois reproduite dans les ouvrages de l’artiste, que ce soit dans les publications successives des Écrits (28), dans Mot à mot (29) ou dans Propos délibérés (30). L’Avertissement-type est donc bien rendu public et constitue un genre de paratexte très parlant de l’intention de Daniel Buren.

À travers ces quelques cas, il apparaît clairement que Daniel Buren s’inquiète de la réception de son œuvre et de la compréhension de sa démarche. Dès lors, la fonction de médiation de son paratexte s’affiche explicitement et de façon immédiate. Mais bien davantage, le principe d’installations, propre à l’art contemporain, implique de prendre en compte des paramètres de contextualisation qui participent directement à la conception de l’œuvre d’art. Dans une réalisation in situ, la spatialité fait entièrement partie de la création plastique. Dès lors, une réexposition demande un nouveau travail d’installation et, littéralement, une recréation de l’œuvre. Par conséquent, le paratexte joue un rôle déterminant dans l’adaptabilité du travail de Buren. Ses modes d’emploi ont pour fonction de préciser et circonscrire les éléments inclus et pertinents dans son installation et autorisent selon des critères précis la transposition de celle-ci dans un lieu différent de sa première mise en espace. C’est ainsi à raison que Glicenstein qualifie l’exposition de recontextualisation : tout déplacement de l’œuvre suppose un décalage par rapport à la création première de l’artiste. Glicenstein en déduit que « ce qu’on voit dans une exposition, ce ne sont pas simplement des œuvres, mais plutôt des dispositifs qui prennent en charge des œuvres » (31). En résumé, il reconnaît l’exposition comme une mise en contexte dans laquelle le paratexte sert à adapter l’œuvre à la situation nouvelle (32), c’est-à-dire au lieu mais aussi au temps, au public et à tout autre élément scénographique ou architectural influant sur l’œuvre. Et Daniel Buren en donne une définition semblable : l’exposition consiste à présenter un objet (idée ou concept) qui a été sorti de son environnement premier, de son contexte (33). Ainsi, le paratexte, en concourant à la recréation de l’œuvre, met en exergue, comme le disait déjà Genette, une frontière poreuse entre le paratexte et l’œuvre (34). En effet, dans quelle mesure le texte qui permet de construire et de rendre compte de l’œuvre ne fait-il pas partie en réalité de l’œuvre elle-même ? Le paratexte présente l’œuvre mais sous différents aspects la construit et la définit également, c’est-à-dire que le discours paratextuel possède un rôle de performativité (35) important qui influence la réception voire la lecture de l’œuvre (36). Le discours de médiation comprend ainsi intrinsèquement une dimension performative dans le cadre des arts allographiques (37).

De façon plus générale, prendre autant d’attention à communiquer sur son travail, à rédiger attentivement un ensemble de documents de référence, témoigne d’un souci et d’une volonté très développée de transmettre un discours construit et cohérent. Le paratexte de Daniel Buren fournit d’une part une documentation foisonnante et d’autre part entérine son propre discours qui propage sa vision personnelle. En effet, la quantité d’écrits de Daniel Buren prend une place telle dans l’ensemble des sources sur son travail artistique qu’elle impose son discours et assoit sa référence comme une autorité. Ainsi, la fonction du paratexte doit être interrogée en profondeur pour en faire émerger des mécanismes plus implicites. Bien que le paratexte de Buren endosse un rôle de médiation explicite, il ne s’agit pas pour autant de pédagogie. Daniel Buren rend son discours le plus intelligible possible et l’adapte selon le support et le public qui en sera le lecteur. Cependant, le paratexte n’a pas pour but d’initier le grand public à l’art contemporain puisqu’il se concentre sur son propre travail et fait référence à des processus non-explicités. Ceci signifie que l’artiste n’effectue pas un travail de médiation semblable à celui des services de communication mais que son discours recouvre des intérêts différents.

L’Autolégitimation pour une reconnaissance institutionnelle

Pour se faire une place dans le monde de l’art contemporain, il faut être reconnu en tant qu’artiste de qualité par une série d’intervenants. Selon les recherches sociologiques de Nathalie Heinich, les premières personnes influentes sont les pairs, ensuite, les critiques et conservateurs, les marchands et collectionneurs et enfin le grand public (38). Malgré la perception très mercantile de l’art contemporain, encouragée par les recherches de Pierre Bourdieu durant les années 70 (39), il apparaît que les musées et centres d’art jouent un rôle croissant dans la légitimation d’un artiste au cours du 20ème siècle (40) et moins le marché des galeries comme cela a pu être le cas auparavant (41). En effet, les conservateurs s’intéressent de plus en plus aux jeunes artistes de peur de manquer les prochaines avant-gardes artistiques auxquelles ils n’ont pas porté assez attention sous la IIIème République. Nathalie Heinich parle à ce sujet de traumatisme qui pousse aujourd’hui les institutions à acquérir en masse les productions contemporaines (42). Le paratexte de Daniel Buren s’adresse à différents niveaux à la sphère des spécialistes, des pairs, des critiques et des conservateurs. Le discours mis en place autour de ses expositions contribue en grande partie à construire et asseoir une narration cohérente concernant sa démarche artistique. En réalité, ce récit valide une série de critères conformes aux attentes des spécialistes de l’art contemporain. Le premier consiste à déterminer sa place de façon pertinente dans le continuum évolutif qu’édifie l’Histoire de l’art et Daniel Buren le fait avec ingéniosité (43). Son texte déclaratif Repères (44) constitue la référence à ce sujet. Il a été publié pour la première fois en 1971 dans le catalogue de l’exposition Eine Manifestation au musée de Mönchengladbach (45). Il développe tous les éléments constitutifs du récit pour intégrer le projet de Buren dans une continuité historique et artistique qui aboutit, selon la suite logique développée, à sa propre démarche. Daniel Buren y propose une réflexion qui se veut originale et personnelle sur les avant-gardes pour y intégrer en conclusion son propre travail avec pertinence. L’artiste prend Paul Cézanne « comme point de repère et pour essayer de dégager de son œuvre les quelques points essentiels qu’elle a posés » (46), il y voit une synthèse des recherches formelles de la modernité et des symptômes récurrents de l’étouffement de l’idéologie dominante, celle de la bourgeoisie. Il résume ainsi l’Histoire de l’art comme une « succession-de-ruptures-simulées » et conclut sur l’échec des avant-gardes. Buren propose alors « la » solution pour remettre en question l’art : c’est à présent la structure contextuelle, le lieu institutionnel du « musée/galerie » qui doit être interrogé pour faire apparaître sa fonction de support à l’œuvre d’art. Cet exposé consiste en un développement complexe qui témoigne des connaissances poussées de l’artiste dans le domaine. De plus, Buren se fait subtil en argumentant, en une longue analyse, une thèse qui ne se dévoile qu’en conclusion pour défendre son projet artistique personnel. Bien qu’il n’en parle pas explicitement et ne cite jamais son propre nom, la clôture de l’exposé sert clairement à légitimer son propre travail. Les paratextes suivants, telles que les descriptions et modes d’emploi ou d’autres déclarations, comme les Mises en garde (47) qui explicitent davantage sa démarche et ses travaux ponctuels, renforcent ce premier texte de référence. L’essentiel consiste par ces différents textes à démontrer la cohérence du projet artistique. Ainsi, il se rend légitime auprès des spécialistes.

Ensuite, le deuxième critère, qui a été brièvement mentionné, tient en la présentation d’un programme plastique comme rupture avec les démarches précédentes. Ce phénomène est appelé « le paradoxe de la tradition du nouveau » (48) par Nathalie Heinich. Les pairs, les critiques et autres initiés jugeront de la qualité de l’œuvre à travers ce projet de rupture, c’est-à-dire à travers sa nature de singularité (49). Le discours de Daniel Buren se fait extrêmement précis et convaincant sur ce point. C’est essentiellement dans le récit de Repères qu’apparaît clairement l’argumentation de césure avec les productions passées. Au lieu de chercher une réponse formelle à un problème plastique, Daniel Buren présente sa démarche comme une conception nouvelle de l’art. Cette définition toute personnelle avait été à l’époque de BMPT le message central de leurs Manifestations, notamment dans le tract de janvier 1967 (annexe 4). Par la suite, il y adjoindra la problématique de contexte et de l’institution qui y prend une place prédominante. La critique institutionnelle est liée étroitement à la recherche artistique de Buren : la rupture consiste à faire de l’objet d’art le cadre institutionnel lui-même et non plus à créer un artefact indépendant qui y prendrait place. Outre le projet de rupture, l’originalité de Daniel Buren se situe dans la combinaison du paramètre contextuel – la création in situ – avec la critique institutionnelle. La dimension de singularité, comme troisième critère d’évaluation, a été développée par Nathalie Heinich qui précise deux sens à ce terme. D’une part, le caractère unique et d’autre part, la valeur inhabituelle (50), voire étrange, du travail artistique constituent les deux aspects à intégrer dans la définition de la singularité (51). Ce dernier point contrebalance quelque peu le premier qui déterminait que l’œuvre devait s’inscrire dans le récit historique de l’art. Il s’agit effectivement de proposer un travail conforme à l’esprit du temps, c’est-à-dire s’aligne sur la tendance générale du développement continu de la pratique stylistique de l’art, tout en intégrant un élément novateur dans la création (52). Finalement, l’ensemble du récit a pour but principal de convaincre de l’intention esthétique de l’artiste, intention qui doit être reconnue pour déterminer si l’objet est bel et bien issu d’un travail réfléchi. Cette dimension constitue le dernier élément d’évaluation. Au-delà du critère de valeur, positive ou négative, il ne faut pas sous-estimer l’importance de prouver le statut d’œuvre d’art de sa production. Ce statut s’acquiert principalement par « la considération, chez son récepteur, de la présence en lui d’une intention esthétique » (53), c’est-à-dire que l’attribution subjective de cette intention à un auteur juge du caractère artistique d’une production. Sans entrer dans les détails, un objet peut être considéré beau, sans être de l’art, ou être reconnu comme le résultat d’un savoir-faire artisanal sans posséder la valeur d’œuvre d’art (54). Les bandes de Daniel Buren peuvent ainsi être création sans être pour autant considérées comme art. L’acte fondamental posé par Daniel Buren consiste à faire reconnaître son travail comme artistique et sa personne comme l’auteur responsable de ce travail. Le jugement revient aux personnes de référence, ayant l’autorité pour le déterminer dans le milieu social déterminé, mais rien n’empêche l’artiste de mettre tous les arguments de son côté et le discours porté par le paratexte de Daniel Buren cherche, entre autres, à convaincre sur ce point.

Tribune publique et médiatisation

La mise en récit, véhiculée par le paratexte, se propage également largement par les médias. En effet, le discours paratextuel de Daniel Buren ne doit pas se cantonner à la sphère professionnelle mais ses formes et supports variés encouragent sa communication à plus grande échelle. La diffusion médiatique, bien qu’elle propage l’information dans le grand public, a un impact plus spécifique dans le milieu professionnel. De fait, la valeur médiatique constitue un élément également important sur le marché de l’art contemporain et Buren s’y investit avec pertinence. En effet, ses productions écrites ne se limitent pas à l’audience des professionnels et se multiplient sur des supports facilement « éditables », par la presse également. Il se rend présent, entre autres, par de nombreuses interviews et ponctuellement par des articles tels qu’Absence-Présence, Autour d’un détour (55). Il fournit par ailleurs tout le matériel nécessaire à une diffusion aisée de ses travaux et de leur bonne compréhension, que ce soit par les archives visuelles en grand nombre ou le vocabulaire de base longuement explicité, s’instaurant comme lexique de référence. Au-delà de l’intérêt de se faire connaître, la visibilité produit la notoriété. La célébrité apporte une valeur marchande qui s’ajoute à la valeur artistique. Il faut ainsi distinguer la notoriété artistique de la notoriété médiatique car, bien que la première accroisse la seconde, les médias font grimper la valeur de l’œuvre sur le marché, indépendamment de la qualité plastique de l’œuvre. La valeur artistique reconnaît le statut alors que la valeur médiatique la fait connaître (56). Les médias touchent bien entendu un public plus ou moins ciblé. Et Daniel Buren semble privilégier la presse spécialisée comme lors de l’affaire Guggenheim (57) qui s’est vue le plus souvent relayée dans les revues. Il contactait en particulier les rédacteurs de publications spécialisées et des critiques (58) alors que le musée Guggenheim dispose d’une renommée internationale qui aurait justifié une tribune dans la presse quotidienne. De façon générale, bien que le paratexte soit accessible au grand public par ses modes de diffusion, le contenu est destiné aux initiés, amateurs ou non, du monde de l’art car il fait implicitement référence à des codes et conventions du milieu.

Fig. 1 – Daniel BUREN (1938), Peinture-Sculpture, 1971, peinture acrylique blanche sur toile de coton tissé à rayures blanches et bleues, alternées et verticales de 8,7cm de large chacune. (Installation à New York, au Guggenheim Museum, 11 février 1971).
Photo : Le Catalogue raisonné de Daniel Buren, dernière consultation le 1/07/2015.Fermer
Fig. 1 – Daniel Buren, Peinture-Sculpture, 1971.

Par ailleurs, l’affaire Guggenheim en 1971 propose une forme paratextuelle originale, celle de lettres-types. L’artiste va engager, par un envoi répété de courriers, une réelle campagne de médiatisation pour faire connaître « le scandale » qui s’est produit – ou qu’il a produit – par la censure de Peinture-Sculpture ((fig. 01). En effet, pendant plusieurs mois, Daniel Buren contacte par courrier des artistes, des critiques d’art, des rédactions de revues d’art et ses relations dans le milieu pour que la presse relaie autant que possible l’événement à l’international et expose surtout sa vision des faits. Proche de l’idée de lettre ouverte, ces courriers restent adressés de façon privée aux destinataires mais le contenu en lui-même a bien pour vocation d’être retranscrit fidèlement dans les articles de presse. Selon les recherches de Florence Jaillet, les lettres en question sont toujours rédigées sur base d’un même modèle, reprenant les mêmes informations et la même demande que Jaillet désigne dès lors comme véritable « lettre-type » (59). Ces missives reprennent de façon systématique le récit de la mise en place du projet et l’accord passé avec le musée, le décrochage de l’œuvre mené – selon le témoignage de Buren – sous l’impulsion de quatre artistes de l’exposition et sans son consentement personnel et finalement la nécessité de rendre l’affaire publique. Ces courriers contiennent de façon claire des arguments à faire valoir pour appuyer sa vision des faits (60) et si l’interlocuteur initie ces démarches de publication, l’artiste envoie par la suite un dossier documentaire : les photos-souvenirs de l’œuvre, la lettre de Dan Flavin du 19 février 1971 (61) et un résumé des « faits » (62). Au-delà du contenu propre de ces lettres, c’est la démarche de Daniel Buren qui nous intéresse. Le but manifeste était non seulement de diffuser les événements afin que le public, et ceci le plus internationalement possible, soit au courant de la censure de Peinture-Sculpture mais, surtout, de propager le témoignage de l’artiste, sa lecture subjective des faits. Cet épisode met en exergue une dimension capitale du paratexte de Buren. La propagation en masse de son témoignage tente de diffuser une vision, la sienne, et fait émerger la notion du discours autorisé. Ce concept a été développé par Jean-Marc Poinsot qui dénomme une forme très proche du paratexte sous le vocable de « récits autorisés » (63). Dans Les Couleurs, Les Formes, publié par le Centre Pompidou, un article de Daniel Buren fait office d’introduction et se fait éclairant sur le sujet : 
Enfin, chacun aura compris que si j’ai exprimé souvent mon propre point de vue sur mes travaux (et continue de le faire), ce point de vue n’est ni exhaustif par rapport aux problèmes rencontrés ni, bien entendu, le seul possible. Cela ne veut pas dire non plus que n’importe qui peut écrire n’importe quoi, car si je prends tant de soin et de temps pour écrire, c’est aussi que je pense que les mots ont une certaine puissance et que ce pouvoir ne peut être monopolisé par de soi-disant spécialistes mais doit être partagé. […] Ainsi, pour ce livre et au sujet des trois pièces acquises par le Musée National d’Art Moderne, ce sont trois écrivains aux points de vue différents et aux activités distinctes […] qui apportent ici leurs concours. (64)

Les collaborateurs de l’ouvrage sont ainsi légitimés par l’artiste qui leur cède volontiers la parole. Cet extrait exemplifie la volonté de contrôler la communication sur son travail et de diffuser le point de vue que lui-même reconnaît et valorise. De la même façon, il a voulu fonder les articles de l’affaire Guggenheim sur sa base documentaire et son témoignage personnel. Les médias, et autres supports de publicité (65), se font dès lors le vecteur de la parole de l’artiste et contribuent à propager ses propres argumentaires et mises en récit.

Conclusion

Le paratexte auctorial de Daniel Buren fait apparaître des modes particuliers de fonctionnement dans les arts allographiques. Il propose une lecture différente de l’œuvre d’art et en interroge la nature, la définition et la portée. La dépendance parfois étroite entre le paratexte et l’œuvre rend la frontière floue entre ces deux entités. Mais plus qu’une analyse sur la discipline artistique en art contemporain, la notion de paratexte permet de questionner les nouveaux rôles investis par l’artiste. Au-delà de son travail plastique, Daniel Buren se présente comme le réel entrepreneur de sa carrière. Le paratexte d’exposition de l’artiste révèle, au-delà d’une démarche de médiation (66), le processus de légitimation qui lui permet d’asseoir sa notoriété dans le milieu professionnel. Il révèle l’investissement que Daniel Buren engage dans sa communication. L’artiste s’approprie un grand nombre de supports et republie de nombreuses fois des textes déjà diffusés. Cet exposé met en évidence la conscience de Buren sur l’importance de communiquer et, surtout, de le faire de façon adaptée pour construire sa stratégie. Il est de fait flagrant que le paratexte intègre des propos qui structurent sa figure d’artiste et nourrissent son autorité. Nous avons pu discerner, à travers le discours de Daniel Buren, la volonté de porter une réelle action sur le monde social et pu constater son efficacité pour faire la publicité de son travail et de sa figure publique. Le terme publicité ne recouvre pas seulement la visibilité auprès du grand public mais fait aussi appel à l’idée de promotion. Effectivement, le tout cohérent de son discours et de sa proposition esthétique lui permet de se légitimer auprès de ses pairs, des critiques et des conservateurs « car le principal critère de qualité qui guide l’expert dans sa décision, c’est moins l’aspect de l’objet proposé à l’appréciation que la cohérence interne à la démarche de création de son auteur » (67). Ensuite, il se promeut en investissant l’espace public : il communique en masse dans les médias classiques et encourage la diffusion de ses textes et autres documentations en les publiant à répétition. L’autogestion de ses archives et l’omniprésence de ses écrits rendent l’étude des œuvres de Buren impossible à extraire de son propre discours. La problématique du discours autorisé apparaît dès lors en filigrane à la lecture de son paratexte. Le discours paratextuel, par conséquent, constitue un élément fondamental non seulement dans la gestion de l’activité artistique mais aussi dans celle de l’activité professionnelle de Daniel Buren. C’est ainsi que le paratexte dépasse sa fonction d’accompagnement de l’œuvre pour poser, dans sa valeur discursive, des actes sociaux qui appuient, dans le cas du plasticien français, le rôle d’ « entrepreneur du moi » développé petit à petit depuis l’époque de l’art moderne.

Annexes

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    Notes

    NuméroNote
    1Gérard GENETTE, Palimpsestes, La Littérature au second degré, Paris, Éditions du Seuil (coll. « Poétique »), 1981 et Gérard GENETTE, Seuils, Paris, Éditions du Seuil (coll. « Poétique »), 1987.
    2Gérard GENETTE, Palimpsestes, op.cit., pp.7-14.
    3Jérôme GLICENSTEIN, L’Art contemporain entre les lignes, Textes et Sous-textes de médiation, Paris, Presses universitaires de France, 2013.
    4Gérard GENETTE, Seuils, op.cit., p.7.
    5Jérôme GLICENSTEIN, L’Art contemporain entre les lignes, op.cit., p.3.
    6Gérard GENETTE, Seuils, op.cit., p.374.
    7Il s’agit donc de ne s’intéresser qu’aux textes d’artiste produits en accompagnement d’expositions de son propre travail plastique.
    8Louis MARIN, De l’entretien, Paris, Éditions de Minuit, 1997.
    9Le terme « institutionnalisé » désigne tout support de communication repris traditionnellement dans les expositions organisées par les institutions de l’art, les institutions publiques ou privées dont la mission consiste avant tout à la conservation du patrimoine. Leurs missions et leur déontologie sont dictées par des instances internationales reconnues telle que l’ICOM.
    10Du 3 janvier au 5 novembre 1967, Buren participe à plusieurs Manifestations au sein du groupe BMPT. Ce sigle est formé à partir des noms des quatre artistes qui le composent : Daniel Buren, Olivier Mosset, Michel Parmentier et Niele Toroni.
    11Mise en garde, version publiée dans le catalogue Konzeption/Conception, Leverkusen, Städtischen Museum, 14 octobre-novembre 1969, n.p., Mise en garde n°3, reprise de Mise en garde complétée, publiée dans VH101, Paris, n°1, printemps 1970, pp.97-10 et Mise en garde n°4, reprise de Mise en garde complétée, publié dans Les Lettres françaises, Paris, 17 juin 1970, pp.26-29.
    12Repères, publié dans le catalogue Daniel Buren, Position – Proposition, pour l’exposition Eine Manifestation, Mönchengladbach, Städtisches Museum Mönchengladbach, 28 janvier – 7 mars 1971, pp.5-23.
    13Fonction du musée, publié dans la catalogue Sanction of the Museum, Oxford, Museum of Modern Art, 31 mars-15 avril 1973, n.p.
    14L’intégralité de la publication Limites Critiques publiée en 1970, n.p.
    15Exposition d’une exposition, publié dans le catalogue Documenta 5, Cassel, 30 juin – 8 octobre 1972, p.29.
    16Fonction d’une exposition, publié dans Konrad Fischer, Es Malt, Düsseldorf, s.e., 1973, pp.2-6.
    17Pour la liste des republications et des traductions de ces textes, se référer, par exemple, à la bibliographie en ligne sur le site de Daniel Buren, op.cit.
    18Entre autres, Daniel BUREN, Les Écrits 1965-2012, volume 1 : 1965-1995, Paris, Flammarion / Centre national des arts plastiques (coll. « Écrire l’art »), 2012, pp.266-286 et Documenta 5, Cassel, 30 juin - 8 octobre 1972, section 17, pp.30-34.
    19Entre autres, Daniel BUREN, Les Écrits 1965-2012, volume 1 : 1965-1995, op.cit., pp.364-386 et Eight contemporary artists, New-York, Museum of Modern Art, 9 octobre 1974 – 5 janvier 1975, pp.19-26.
    20Points de vue, Paris, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, 6 mai au 12 juin 1983.
    21Marine LAGASSE, Les Textes de Daniel Buren en relation avec ses expositions, Pratiques et Enjeux, Université libre de Bruxelles, Faculté de Philosophie et Lettres, travail de fin d’études en vue de l’obtention du titre de Master en Histoire de l’art et Archéologie, dirigé par le prof. Denis LAOUREUX, 2015, pp.55-56.
    22Descriptif publié dans le catalogue Daniel Buren, Nagoya/Tokyo, Institute of Contemporary Arts/ Touko Museum of Contemporary Art, 15 avril – 25 juin 1989/ 28 avril – 11 juin 1989, np.
    23Descriptif de la transformation des vélums de PH Opéra, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, 1974-1977, voir entre autres dans : Daniel BUREN, Les Écrits 1965-2012, volume 1 : 1965-1995, op.cit., pp.1977-1980.
    24Ainsi, dans un contexte de pleine liberté en tant que commissaire, la conception de l’ouvrage Propos délibérés pour l’exposition Buren-Parmentier à Bruxelles en 1991 témoigne de cette préférence.
    25Les Avertissements, datant de 1972, sont l’équivalent des anciens certificats d’acquisition des œuvres de Daniel Buren ou contrats de vente comme les appelle Sophie Gayet. Sophie Gayet, « Les Avertissements de Daniel Buren, la Menace du faux », in La Voix du regard, n°14, automne 2001.
    26Daniel Buren a réalisé, à ma connaissance, un mode d’emploi (hors du cas des Avertissements) qui est directement à destination de l’acheteur : en 2001, Art Wall Sticker vend des kits de rubans adhésifs et y joint le mode d’emploi de l’artiste pour la réalisation de l’œuvre. Voir Daniel BUREN, Les Écrits 1965-2012, volume 2 : 1996-2012, Paris, Flammarion / Centre national des arts plastiques (coll. « Écrire l’art »), 2012, pp.631-632.
    27Daniel Buren parle lui-même de « faux » dans ce cas. Voir Jérôme SANS (entretien avec), Au sujet de…, Paris, Flammarion, (coll. « La Boîte noire »), 1998, p.145.
    28La retranscription de la version définitive de l’Avertissement-type, voir Daniel BUREN, Les Écrits 1965-2012, volume 1 : 1965-1995, op.cit., pp.233-236.
    29La reproduction recto-verso de l’Avertissement-type, voir Daniel BUREN, Mot à mot, op.cit., pp.A50-A51.
    30La retranscription de l’Avertissement-type, voir Anne BALDASSARI (entretien avec), Propos délibérés, Villeurbanne, Art édition, 1991, pp.160-162.
    31Il appelle cela un dispositif-œuvre ou de l’art installé. Jérôme GLICENSTEIN, L’Art contemporain entre les lignes, op.cit, pp.21-22.
    32Jérôme GLICENSTEIN, L’Art : une histoire d’exposition, Paris, Presses Universitaires de France (coll. « Lignes d’art »), 2009, p.108.
    33Daniel BUREN, Les Écrits 1965-2012, volume 1 : 1965-1995, op.cit., p.88, note en bas de p. n°1.
    34Gérard GENETTE, Seuils, op.cit., pp.7-8.
    35Le concept de performativité renvoie aux énonciations performatives théorisées par Austin. Ces énonciations, au-delà du dire, actent en réalité quelque chose : elles font une chose par le fait de le dire. John Langshaw AUSTIN, Quand dire, c’est faire, [1962], trad. par Gilles Lane, Paris, Éditions du Seuil, 1970.
    36Gérard GENETTE, Seuils, op.cit., pp.7-8.
    37Les arts allographiques ne se définissent pas dans leur seule matérialité, à l’inverse des arts autographiques. Ils sont en fait susceptibles de se renouveler selon le contexte, selon la performance ou la représentation. Jean DAVALLON, « Réflexions sur la notion de médiation muséale », in L’Art contemporain et son exposition, séminaire organisé à Paris, au Collège international de philosophie de 1999 à 2001, vol.1, Paris-Budapest-Torino, L’Harmattan (coll. « Patrimoines et Sociétés »), 2002, pp.59-61.
    38Nathalie HEINICH, L’Élite artiste, Excellence et Singularité en régime démocratique, Paris, Éditions Gallimard (coll. « Bibliothèque des Sciences humaines »), 2005, p.335.
    39Il a nommé le phénomène de « dénégation de l’économie » qui structure le champ de l’art : les agents (auteurs, critiques, marchands ou amateurs d’art) se défendent d’intérêts mercantiles. Ses études ont en fait contribué à propager une image radicalisée de l’importance économique dans le milieu artistique. Pierre BOURDIEU, « La Production de la croyance, Contribution à une économie des biens symboliques », in Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 13, n°13, L’Économie des biens symboliques, 1977, pp.3-43, p.7, disponible en ligne sur Persée, http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1977_num_13_1_3493, dernière consultation le 12/07/2015.
    40Bernard ROUGET, Dominique SAGOT-DUVAUROUX et Sylvie PFLIEGER, Le Marché de l’art contemporain en France, Prix et Stratégies, Paris, La Documentation française, 1991, pp.120-121.
    41Nathalie HEINICH, Le Paradigme de l’art contemporain, Structures d’une révolution artistique, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque des Sciences humaines »), 2014, pp.214-215.
    42Nathalie HEINICH et Michaël POLLAK, « Du conservateur de musée à l’auteur d’exposition : l’invention d’une position singulière », in Sociologie du travail, vol.31, n° 1, 1989, pp. 29-50, p.31.
    43Bernard ROUGET, Dominique SAGOT-DUVAUROUX et Sylvie PFLIEGER, Le Marché de l’art contemporain en France, Prix et Stratégies, op.cit., pp.122-123.
    44Repères, publié dans le catalogue Daniel Buren, Position – Proposition, op.cit.
    45Eine Manifestation, Mönchengladbach, Städtisches Museum, 28 janvier - 7 mars 1971.
    46Idem note 12 ou Daniel BUREN, Les Écrits 1965-2012, volume 1 : 1965-1995, op.cit., p.147.
    47Idem note 9.
    48Nathalie HEINICH, L’Élite artiste, Excellence et Singularité en régime démocratique, Paris, Éditions Gallimard (coll. « Bibliothèque des Sciences humaines »), 2005, pp.339-340.
    49Le « régime de singularité » est un terme avancé par Nathalie Heinich. Voir notamment Nathalie HEINICH, L’Élite artiste, op.cit., pp.101-127.
    50Les caractères unique et inhabituelle n’ont pas lieu ici d’être définis étant donné que leur attribution est toute subjective. Il s’agit bien de présenter le travail comme unique et inhabituel pour le faire reconnaître comme original par une série d’acteurs d’autorité. Là est tout l’enjeu du paratexte : présenter l’œuvre selon une interprétation et dès lors guider la réception de l’œuvre.
    51Nathalie HEINICH, « Perception esthétique et Catégorisation artistique : comment peut-on trouver ça beau ? », in Mise en scène de l’art contemporain, actes du colloque organisé à Bruxelles, les 27 et 28 octobre 1989, Bruxelles, Les Éperonniers, 1990, pp.39-50, p.46.
    52Ibid., pp.46-47.
    53Gérard GENETTE, L’œuvre de l’art, vol.2 La Relation Esthétique, Éditions du Seuil (coll. : « Poétique »), 1997, p.172.
    54Loc.cit.
    55Daniel BUREN, « Absence-Présence, Autour d’un détour », in Opus International, n°24-25, mai 1971, pp.71-73.
    56Bernard ROUGET, Dominique SAGOT-DUVAUROUX et Sylvie PFLIEGER, Le Marché de l’art contemporain en France, op.cit., pp.123-124.
    57Pour l’exposition Guggenheim International de 1971, l’œuvre de Buren, Peinture-Sculpture, Works in Situ, a finalement été retirée de l’événement quelques heures avant l’inauguration sur demande entre autres de Dan Flavin et Donald Judd dont les œuvres se trouvaient occultées par la toile rayée haute de vingt mètres et suspendue au cœur du bâtiment.
    58Florence JAILLET, « L’Affaire Guggenheim dans les correspondances de Daniel Buren », in Françoise Levaillant (textes réunis par), Les Écrits d’artistes depuis 1940, actes du colloque international organisé à Paris et à Caen, du 6 au 9 mars 2002, Paris, Institut Mémoires de l’édition contemporaine, 2004, pp.83-98, p.90.
    59Florence JAILLET, « L’Affaire Guggenheim dans les correspondances de Daniel Buren », op.cit., p.90.
    60Ibid., pp.90-92.
    61La Lettre de Dan Flavin est largement diffusée par Daniel Buren. Dan Flavin l’a écrite le 19 février 1971 et y accuse l’intéressé de manœuvres malhonnêtes ainsi que de le rendre responsable à tort du décrochage de son œuvre. Voir Daniel BUREN, Mot à mot, Paris, Centre Pompidou / Éditions Xavier Barral, 2002, p.C46.
    62Florence JAILLET, « L’Affaire Guggenheim dans les correspondances de Daniel Buren », op.cit., pp.90-92.
    63Jean-Marc Poinsot désigne sous cette expression les textes dont la définition se rapproche fortement de celle de Gérard Genette. Bien que l’objet d’analyse se rapporte exclusivement aux productions d’artistes, la méthode et le regard sur cet objet comportent de nombreuses similitudes avec ceux de Genette. Jean-Marc POINSOT, Quand l’œuvre a lieu, L’Art exposé et ses Récits autorisés, Genève, Mamco ; Villeurbanne, Institut d’art contemporain, 1999.
    64Daniel BUREN, « Pourquoi écrire ? ou : une fois n’est pas coutume », in Pontus HULTEN (préf. de), Les Couleurs, Les Formes, Paris, Centre Georges Pompidou ; Halifax, Les Presses du Nova Scotia College of Art and Design, 1981, p.5.
    65Le terme désigne ici, au sens premier, l’action de rendre public, de communiquer à un grand nombre une information.
    66Le terme médiation désigne les méthodes et plus particulièrement, ici, le discours qui a pour vocation de rendre accessible un contenu non explicite pour un public non-initié à la discipline concernée.
    67Nathalie HEINICH, Le Paradigme de l’art contemporain, op.cit., p.168.