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Peinture - Moyen Age - Renaissance - Belgique - Histoire de l'art Paul Philippot Texte et image de la peinture des Pays-Bas aux XVe et XVIe siècles
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Reporticle : 209 Version : 1 Rédaction : 01/01/1985 Publication : 04/09/2017

Note de la rédaction

Ce reporticle est extrait d’un Bulletin des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (1985-1988, I-III, 34e - 37e année).

Texte et image de la peinture des Pays-Bas aux XVe et XVIe siècles

Si figuration et écriture, signe et image, étaient indissociablement unis dans l’art égyptien et spécialement dans l’hiéroglyphe, le développement de l’écriture phonétique implique au contraire une distinction entre le signe alphabétique, signifiant qui renvoie à un signifié, aliquid pro aliquo, et l’image en tant que représentation. L’un et l’autre restent cependant étroitement associés à travers toute l’histoire de l’art, et l’on peut affirmer que des époques entières se caractérisent, entre autres, par la manière particulière dont elles en articulent les relations, dont la source profonde se situe au niveau même où se constitue l’approche du monde proche à chaque style (1).

En tant que signe, la lettre de l’alphabet phonétique occidental s’est dépouillé de toute qualité représentative. Instrumentalisée comme signifiant en vue de la visée du signifié, elle voit aussi se réduire sa valeur propre d’apparence, afin d’éviter que celle-ci ne s’interpose : ce qui implique un repli de la forme sur le plan décoratif.

D’autre part, l’acte de lecture du texte où la lettre ne vaut que comme signe, implique une intentionnalité de la conscience radicalement distincte de celle de la vision de l’image en tant qu’image-représentation. Les deux actes peuvent se succéder ; ils ne peuvent être simultanés, à moins de réduire provisoirement le texte à la seule apparence de signifiant, ce qui revient à suspendre la lecture. Aussi l’association la plus courante de l’image et du texte est la simple juxtaposition sous des formes infiniment variées d’ailleurs. Si le signe alphabétique présente évidemment un aspect formel, celui-ci ne peut cependant tolérer que des développements limités, car il est retenu dans un schématisme nécessaire par l’exigence de lisibilité. Les lettrines de l’enluminure anglo-irlandaise comme les développements calligraphiques des majuscules gothiques illustrent bien cette situation.

La peinture et la sculpture, en tant que dominées par l’intentionnalité figurative, ont naturellement cherché, surtout à partir de l’époque romane, à intégrer le texte en faisant un nouvel objet de représentation, le phylactère, traité comme attribut, un symbole explicite.

Or la peinture flamande du XVe siècle, et tout particulièrement celle de Jean Van Eyck, se caractérise d’emblée par ce que l’on pourrait appeler une absolutisation de la représentation, une affirmation radicale de l’unité de l’image dans sa qualité de miroir visible. Une telle attitude semblerait, à première vue, devoir entraîner une séparation également radicale de l’image et du texte. Or il n’en est rien, bien au contraire, les textes sont exceptionnellement abondants dans l’œuvre de Van Eyck. Mais en même temps, l’artiste développe une étonnante variété de formules d’intégration du texte dans l’image par absorption du signe objectivé dans la structure totalisante de la représentation. Travail manifestement très conscient, sorte de jeu de rhétoriqueur, étrangement sérieux, sur les relations des plans de lecture et de vision, qui s’intègre naturellement dans l’esprit du symbolisme caché magistralement étudié par Panofsky (2).

Fig. 1 – Jan van Eyck, (ca. 1390-1441), Vierge du Chancelier Rolin, ca. 1435, huile sur panneau de chêne, 62 x 66 cm. Paris, Musée du Louvre.
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Fig. 1 – Jan van Eyck, Vierge du Chancelier Rolin, ca. 1435, Paris, Musée du Louvre.

Relevons quelques-unes de ces formules. Dans la Vierge du Chancelier Rolin (fig. 1-2), le texte d’une prière à la Vierge est brodé sur la bordure de sa robe où il poudroie dans la lumière comme les perles et les pierres précieuses (3), solution qui se retrouve pour la figure du Christ trônant de l’Agneau Mystique (fig. 3-4), où les lettres sont faites de perles scintillantes. Une autre formule, particulièrement fréquente et révélatrice, consiste à recourir à des textes en caractères gravés dont la représentation suscite un effet de trompe l’œil. Les cadres, traités en imitation de marbre et pourvus de telles inscriptions se trouvent ainsi attirés eux-mêmes dans le champ représentatif de l’image. C’est le cas, notamment, du petit triptyque de Dresde (fig. 5-6), où l’intensité du crépitement de la lumière sur les caractères « gravés » relie ceux-ci à l’image dans laquelle règne le même poudroiement de lumière. Mais aussi de la Vierge à la fontaine et de la Sainte Barbe de Musée d’Anvers, et de plusieurs portraits.

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    Fig. 7 – Jan van Eyck, (ca. 1390-1441), Portrait de l’orfèvre Jan de Leeuw, 1436, huile sur panneau de chêne, 33,3 x 27,8 cm. Vienne, Kunsthistorisches Museum.
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    Fig. 7 – Jan van Eyck, Portrait de l’orfèvre Jan de Leeuw, 1436, Vienne, Kunsthistorisches Museum.
    Fig. 8 – Jan van Eyck, (ca. 1390-1441), Portrait d’homme (ou Léal Souvenir ou Timotheos), 1432, huile sur panneau de chêne, 33,3 x 18,9 cm. Londres, National Gallery.
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    Fig. 8 – Jan van Eyck, Portrait d’homme (ou Léal Souvenir ou Timotheos), 1432, Londres, National Gallery.

    Parmi ceux-ci, celui de l’orfèvre Jan de Leeuw (1436) au Kunthistorisches Museum de Vienne mérite une attention particulière (fig. 07). Le nom du personnage, Leeuw, y est en effet remplacé dans le texte par un petit relief représentant un lion. Jeu de passage du mot à l’image instrumentalisée comme signe, qu’il faut vraisemblablement situer dans le contexte de la pensée allégorique des rhétoriqueurs, et où Van Eyck inverse sa démarche habituelle en créant le pictogramme comme un relief réel. On songe ici au jeu de Magritte dans son tableau bien connu « Je ne vois pas la (femme nue) cachée dans la forêt », où les mots « femme nue » sont remplacés par l’image-signe qui, certes, se distingue ici en ce qu’elle montre ce que précisément elle dit cacher.

    Dans le Portrait dit de Timotheos du Kunthistorisches Museum de Vienne (fig. 8-9), le texte épigraphique est attiré dans l’image avec le seuil de pierre sur lequel il est gravé, de sorte que les caractères gothiques qui l’accompagnent et qui fournissent la date « Actu(m) an(n)o Dni 1432.10 die octobris », apparaît non pas écrit sur le tableau, mais représenté lui aussi dans l’image. Cette formule est évidemment portée au niveau le plus complexe des interrelations entre lecture et vision dans le Portrait dit des époux Arnolfini (1434) de la National Gallery de Londres (fig. 10-11), souvent commenté. Le texte « Johannes de Eugk fuit hic » n’apparaît pas écrit sur le tableau, mais sur le mur de fond de la chambre nuptiale, et donc représenté dans l’image. Ce qui implique trois plans de réalité distincts, absorbés dans l’unité de l’image : celui de scène représentée, dont le peintre fut témoin (selon la signification du texte), celui du tableau en tant qu’objet signé par son auteur, et celui de l’image comme représentation, qui absorbe les deux précédents au niveau de son « contenu ». Intégration de plans qui ne peut manquer d’évoquer les montages modernes, mais dont la matrice profonde est de sens inverse : alors que Magritte réalise un montage d’images devenues signes, Van Eyck absorbe les signes objectivés dans l’unité de représentative de l’image.

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      Fig. 12 – Hubert van Eyck (ca. 1366- 1426) & Jan van Eyck, (ca. 1390-1441), Polyptyque de l’Agneau mystique, Christ trônant, 1432, huile sur panneau de chêne, 162,2 x 80 cm. Gand, Cathédrale Saint-Bavon.
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      Fig. 12 – Hubert van Eyck & Jan van Eyck, Polyptyque de l’Agneau mystique, Christ trônant, 1432, Gand, Cathédrale Saint-Bavon.

      D’autres formules encore paraissent dans le retable de l’Agneau Mystique (4). Les figures centrales du Christ (fig. 12), de la Vierge (fig. 13) et de Saint Jean (fig. 14) trônent chacune devant une niche dont la voussure à moulures dorées porte un texte gravé en onciales qui s’associe à l’irréalité des auréoles, image de transcendance et de sacralité monumentale. Dans l’Annonciation (fig. 15) par contre, le texte des paroles échangées par l’ange et la Vierge se libère de tout support objectif sans pour autant paraître écrit sur le tableau. Les caractères gothiques vibrent ici dans l’espace pictural lui-même et visualisent en quelque sorte la relation non matérielle entre les deux personnages (5).

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        Fig. 16 – Rogier van der Weyden (ca. 1400-1464), Retable de Sainte-Colombe, Annonciation (volet gauche), ca. 1450-1455, huile sur panneau de chêne, 138 x 70 cm. Munich, Alte Pinakothek.
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        Fig. 16 – Rogier van der Weyden, Retable de Sainte-Colombe, Annonciation (volet gauche), ca. 1450-1455, Munich, Alte Pinakothek.

        Cette attraction du texte écrit, ou plus précisément de phénoménalité des caractères alphabétiques dans le champ de la forme figurative, sera la solution préférée de Van der Weyden. Dans l’Annonciation (fig. 16) et la Présentation au Temple (fig. 17) du triptyque de l’Adoration des Mages de la Pinacothèque de Munich (fig. 18), l’Ave gratia plena Dominus tecum prend, par sa direction inclinée de la bouche de l’ange vers le visage de Marie, une valeur spatiale analogue à celle des rayons d’or qui accompagnent le Saint Esprit (fig. 19), tandis que dans la Circoncision (fig. 20), les paroles de Siméon reconnaissent l’enfant : « Nunc dimittis servum tuum Domine secundum verbum tuum in pace » semblent, dans leurs lettres d’or, « exploser » au-dessus de Jésus ainsi « reconnu ».

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          Conformément au sens plastique sculptural propre à son style, Rogier confère volontiers au déroulement du texte un aspect plus tangible, comme s’il appartenait à un phylactère invisible. Tel est le cas, notamment, dans le Baptême du Christ (fig. 21-22) du triptyque de Saint Jean Baptiste de Berlin (fig. 23), dans le Triptyque Braque du Louvre (fig. 24-27) et dans le Jugement dernier de Beaune (fig. 28), où en outre le texte destiné aux élus est écrit en caractères blancs et lumineux, celui destiné aux damnés en caractères rouges (fig. 29).

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            Fig. 30 – Jan Gossaert (ca. 1478-1532), copie d’après (?), Vierge à l’Enfant, 1527, huile sur panneau de chêne, 30.6 x 24.5 cm. Munich, Alte Pinakothek.
            Photo : Scala, Florence / bpk / Bayerische Staatsgemäldesammlungen.Fermer
            Fig. 30 – Jan Gossaert, copie d’après (?), Vierge à l’Enfant, 1527, Munich, Alte Pinakothek.

            Cette récupération de la phénoménalité du signe des caractères alphabétiques dans le champ de la forme figurative a fasciné Jean Gossaert qui, à diverses reprises, reprend la formule épigraphique de Van Eyck pour la transformer dans le contexte nouveau de sa problématique maniériste. Un bon exemple en est sa Vierge à l’Enfant de la Pinacothèque de Munich (fig. 30), signée et datée de 1527 (réplique à Vienne au Kunsthistorisches Museum (fig. 31)), où d’ailleurs il absorbe le cadre réel dans la représentation picturale au sein de laquelle la niche constitue déjà un cadre fictif. Le texte « GE.3.MULIERIS SEMEN IHS SERPENTIS CAPUT CONTRIVIT » est découpé en onciales convexes couvrant la concavité ombrée d’une gorge, par démarche d’objectivation des caractères qui objective aussi la tension entre concave (gothique) et convexe (antique) qui est au cœur de sa recherche formelle (6).

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              Fig. 33 – Jan van Eyck, (ca. 1390-1441), Sainte Barbe, 1437, huile sur panneau, 31 x 18 cm. Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen.
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              Fig. 33 – Jan van Eyck, Sainte Barbe, 1437, Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen.
              Fig. 34 – Jan van Eyck, (ca. 1390-1441), Sainte Barbe, détail de l’encadrement, 1437, huile sur panneau, 31 x 18 cm. Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen.
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              Fig. 34 – Jan van Eyck, Sainte Barbe, détail de l’encadrement, 1437, Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen.

              Au cours de la décennie 1530-40, cruciale on le sait pour l’histoire artistique et culturelle des Pays-Bas, la nature de la relation texte-image subit une sorte de renversement radical. Le phénomène se manifeste surtout dans les portraits, et est certainement à mettre en rapport, au sens large, avec la diffusion du climat de la réforme et sa dévalorisation ontologique de l’image. C’est en effet, désormais le texte comme signe, avec son exigence première de lisibilité et de lecture, qui tend à s’imposer à l’image comme représentation. Aux subtilités de Van Eyck, de Van der Weyden ou de Gossaert, succède le lourd artifice de panneaux ostensiblement présentés pour être lus. L’un des exemples les plus explicites est le double portrait, par un artiste inconnu, du bourgmestre d’Amsterdam Egbert Gerbrantsz et de sa femme, qui porte la date de 1541 et qui mentionne ces mots : « cedit mors nemini » (fig. 32). L’importance donnée aux textes dont la lecture s’impose attire la totalité de l’image dans le champ du signe. Et, de fait, tout devient en un montage de signes : les mains qui montrent, les objets devenus emblèmes de la profession commerçante et des activités ménagères, mais aussi le sablier et le crâne renversé.

              On ne sera pas surpris de constater alors que la nature des textes diffère radicalement, quant au contenu, de celle des textes précédents. Les textes de Van Eyck, lorsqu’ils ne se limitaient pas à identifier un personnage, avaient un caractère liturgique de citation biblique, prière ou hymne et, par là, une « objectivité » analogue à celle des figures dont ils substantifiaient en quelque sorte la présence. A moins qu’ils ne fassent parler le tableau comme objet (Sainte Barbe (fig. 33-34) ou la Vierge à la fontaine (fig. 35-36) du Musée d’Anvers) ou le personnage portraituré lui-même (Jan de Leuuw (fig. 7), Marguerite Van Eyck (fig. 37-38), le sens du texte restant cependant alors essentiellement un développement de l’identification des personnages, de la date et de la signature. Les nouveaux textes, au contraire, sont des affirmations éthiques personnelles, des professions de foi. Ceux du double portrait d’Egbert Gerbrantsz et de sa femme méritent d’être cités au moins en partie : « Mijn vrouwe, die tijt is cor tende onderlick, Daer on laet on leven een leven puerlick, Oprechtelick, als Cristenen behooren, ‘t Gelt mach ons niet helpen, als wij lesen schriftuerlick. » etc.

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                Si chez Van Eyck la représentation, en tant qu’intentionnalité globale, totalisante, attirait le signe dans l’espace de l’image où il se laissait absorber, l’intention moralisante contamine ici la représentation et fragmente l’image en l’attirant dans le champ de force du signe, dont la lecture interrompt la vision. D’où une tendance de l’image à se dessécher en emblématique, qui frappe manifestement plus profondément les provinces de Nord.

                Fig. 41 – Maerten de Vos (1532-1603), Triomphe du Christ (panneau central du Triptyque de la Guilde des Arbalétriers d’Anvers), 1590, huile sur panneau, 345 x 124 cm. Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen.
                Photo : KIK-IRPA.Fermer
                Fig. 41 – Maerten de Vos, Triomphe du Christ (panneau central du Triptyque de la Guilde des Arbalétriers d’Anvers), 1590, Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen.

                A Anvers, où la valeur ontologique de l’image comme représentation reste plus fortement affirmée, la controverse religieuse favorise cependant l’exhibition exceptionnelle de longs textes à valeur doctrinale. Martin de Vos, dont l’adhésion au luthéranisme est par ailleurs connue (7) introduit par deux fois de grands panneaux écrits dans des compostions auxquelles ils confèrent un caractère ambivalent. En 1575, il réalise pour la famille Pannhuys une composition représentant les Israélites apportant des offrandes pour la construction du temple à Moïse qui leur montre les tables des Dix Commandements (Exode, XX) (fig. 40), dans laquelle la plupart des personnages sont des portraits. Le caractère allégorique d’une telle image ne peut faire de doute. Il s’agirait, selon Zweite (8), d’une allusion probable à une collecte en vue de la construction d’un temple calviniste à Anvers en 1567. Le second exemple est le Triomphe du Christ (fig. 41), panneau central du triptyque que de Vos exécuta en 1590 pour les arbalétriers de la ville. Saint Pierre et Saint Paul y présentent respectivement d’énormes livres ouverts sur des textes des Actes des Apôtres (2 ; 18-24) et de l’Epître aux Romains (6 ; 8-14) relatifs à la libération de la mort et du péché opérée par le sacrifice et la résurrection du Christ, et à l’opposition de la Loi et de la Grâce. Il s’agirait cette fois de la réplique catholique au pouvoir calviniste qui avait dominé à Anvers avant la reconquête d’Alexandre Farnèse en 1585 (9).

                Dans les deux cas, l’importance accordée aux textes suscite une évidente ambigüité, faite de tension entre lecture et vision, le signe ne se laissant qu’à grand-peine résorber dans la structure totalisante de l’image. Cette dichotomie, devenue courante dans la gravure où l’image s’instrumentalise aisément au service du texte, ne marquera cependant la peinture de façon significative que tant que durera la crise du maniérisme. Dans le Nord comme dans le Sud, elle sera refoulée au XVIIe siècle avec l’essor de l’image baroque.