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Architecture - Histoire générale - Monde - Histoire de l'art André Stevens Architecture de terre et Patrimoine mondial Missions en Terres d'argile
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Reporticle : 153 Version : 1 Rédaction : 01/04/2014 Publication : 25/11/2015

PREFACE

Passionné par les techniques de constructions traditionnelles et plus particulièrement celles utilisant le matériau le plus répandu sur notre planète, les terres d’argile, l’architecte belge André Stevens nous livre aujourd’hui le résultat de plus de quarante ans de voyages d’études, de recherches et d’élaboration de projets dans différentes régions du monde en un condensé richement illustré, témoignage d’une expérience unique qui vient enrichir notre connaissance et nous faire partager son enthousiasme.

A la manière des écrivains de culture orientale, l’auteur a divisé l’ouvrage qu’il a consacré à l’architecture de terre et au patrimoine mondial en quinze portes, nous transportant par ces ouvertures symboliques sur les grandes régions d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie et de l’aire Méditerranéenne où se sont développées et où sont encore conservées des constructions de terre dont les plus anciennes remontent, selon les plus récentes études historiques, à plus de six mille ans.

André Stevens, qui a déjà publié bon nombre d’ouvrages et d’articles sur le patrimoine architectural, se place sans doute dans la lignée des architectes qui, depuis les années cinquante du XXème siècle, à l’image du précurseur égyptien Hassan Fathy, se sont fermement engagés dans un plaidoyer technique pour conserver les traces du bâti en terre.

A l’instar de ses collègues architectes, tels Jean Dethier, qui a monté la première exposition sur l’architecture de terre au Centre Pompidou à Paris en 1981, André Stevens a souhaité montrer, trente ans plus tard dans cet ouvrage, toute la diversité de cette architecture, non seulement pour sa valeur universelle exceptionnelle, mais aussi pour le rôle qu’elle peut jouer grâce à ses qualités intrinsèques à la préservation de l’environnement, sans oublier les bénéfices qu’elle peut générer sur le plan économique, cet aspect restant hélas encore trop peu compris.

C’est pourquoi cet ouvrage a aussi pour objectif de sensibiliser le lecteur aux nombreuses actions menées au niveau international, notamment depuis la création de CRAterre-ENSAG à Grenoble en 1979 (Centre international de la construction en terre – Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble) en faveur de la réhabilitation de l’architecture de terre dans un environnement où le développement durable allié à la protection de l’environnement culturel et naturel est devenu l’un des principaux leitmotivs de ce début du XXIème siècle.

C’est dans ce cadre que des projets cités par l’auteur, tels que Africa 2009, menés par l’UNESCO, l’ICCROM, le CRAterre, la Fondation Getty, la Fondation nordique du Patrimoine mondial et l’Ecole du Patrimoine africain de Porto-Novo (Bénin) ont permis de créer un réseau de chercheurs et proposer un nombre important de sites d’architecture de terre en Afrique pour inscription sur la Liste du Patrimoine mondial.

J’ai eu le plaisir de connaître l’auteur de ce livre depuis plus de trois décennies et ce, dès le début de son engagement en faveur d’une meilleure connaissance de l’art de bâtir en terre à l’époque où Raymond Lemaire, son professeur, spécialiste incontesté dans le domaine du patrimoine culturel, Président du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) et concepteur de la ville nouvelle universitaire de Louvain-la-Neuve, l’avait présenté à la Division du patrimoine culturel de l’UNESCO qui avait, parmi ses projets-phares, au cours des années 1980-1990, la campagne internationale de sauvegarde du site de Mohenjo-Daro, capitale de l’Indus au Pakistan et probablement une des premières cités au monde.

Comme dans un long récit de voyage, l’auteur nous conduit sur les différents sites archéologiques et historiques qu’il a parcourus, des Palais et Temples mésopotamiens aux Habitations collectives Hakka du Fujian et du Guandong en passant par les Villes mortes d’Asie centrale sur la Route de la Soie et à propos desquels il a, soit présenté des rapports notamment à l’UNESCO, soit préparé des projets de conservation des diverses architectures de terre dont il a souligné l’importance mais aussi la grande fragilité.

Il invite ainsi le lecteur à le suivre de continent en continent, passant des grands sites inscrits sur la Liste du Patrimoine mondial de l’Asie et du Moyen-Orient à ceux de l’Afrique et de l’Amérique latine, s’attachant à démontrer pour chacune des régions étudiées les spécificités de la construction architecturale, le développement des techniques et les problèmes résultant de l’évolution rapide de l’urbanisation moderne et des techniques de construction industrielle.

Son plaidoyer en faveur de la conservation de l’architecture de terre l’a fait reconnaître par ses pairs au sein de l’ICOMOS qui l’ont élu Président du Comité de l’ICOMOS pour l’étude de l’architecture de terre. A cet égard, son action et ses discussions avec les responsables de sites archéologiques où les structures de construction en terre étaient découvertes ne se sont pas limitées à proposer des solutions techniques de conservation, comme le projet Light Umbrella à Babylone en Irak qui aurait pu être placé au-dessus des vestiges du Temple d’Ishtar.

« Il vaut mieux un monument vivant qu’un édifice qui meurt lentement » écrit-il en regrettant que la solution qu’il souhaitait développer pour les grands monuments de l’Irak comme Assour, Ur et Ninive n’ait pas été retenue.

Il aura eu toutefois plus d’écoute avec le projet de conservation de Tell Beydar en Syrie, surtout avec la réalisation d’une « maison de fouilles, utilisant les techniques et les matériaux traditionnels, dont la brique crue, tout en portant la marque d’un design contemporain : une architecture néo-vernaculaire… Il a fallu huit ans pour la voir enfin complètement sortir de terre et jouer pleinement sa fonction de lieu de travail et de délassement pour une trentaine de chercheurs venus du monde entier ».

A propos des solutions techniques à apporter pour la protection et la consolidation de structures construites en pisé très répandu au Maghreb, j’ai eu à suivre personnellement, pendant les années 1990, les missions menées par André Stevens, en qualité de Consultant de l’UNESCO. C’est notamment au Maroc, où le Ministre de la Culture, M. Mohamed Benaïssa, avait lancé avec l’appui du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) et de la Coopération allemande un projet de création d’un Centre d’études et de recherches sur l’architecture de terre (CERKAS) implanté à Ouarzazate qu’André Stevens a participé au lancement de projets de conservation dans la Casbah de Taourirt ainsi qu’à Aït Ben Haddou, site du Patrimoine mondial. C’est là qu’a été tourné le célèbre film Laurence d’Arabie ainsi qu’une trentaine d’autres films, et c’est dans ce village que le Centre envisage de réutiliser une des casbahs pour en faire un musée du cinéma.

Bien que nombre de ces sites ne sont plus que partiellement habités, l’auteur nous rappelle toutefois que « près de 30% de la population mondiale vit dans des constructions dont les murs porteurs sont en terre crue ». Il a l’ambition de réhabiliter cette architecture en proposant de nouveau « l’utilisation des ressources locales, en particulier les techniques et les matériaux locaux de construction, qui se heurte à deux préjugés… et pourtant elles représentent toute la force inégalée de l’architecture vernaculaire ».

Il rejoint en cela les orientations du programme du Centre du Patrimoine mondial de l’UNESCO pour l’architecture de terre dénommé WHEAP (World Heritage Earthen Architecture Programme), qui proclame que « l’architecture de terre est l’une des expressions les plus originales et les plus puissantes de notre capacité à créer un environnement construit avec des ressources locales facilement disponibles… Son importance culturelle dans le monde entier est évidente et a mené à sa considération en tant que patrimoine commun de l’Humanité, méritant par la suite la protection et la considération de la communauté internationale. En 2001, plus de 10% des biens culturels inscrits sur la Liste du Patrimoine mondial incluait des structures en terre ».

Et n’est-il pas symptomatique de noter comme l’a fait André Stevens que le Roi Asydis d’Egypte, cité par Hérodote, avait fait construire près du Caire une pyramide en terre crue et y avait apposé l’inscription suivante : « Ne me méprise pas en me comparant aux pyramides de pierre, je suis autant au-dessus d’elles que Jupiter est au-dessus des dieux, car j’ai été bâtie en briques faites avec le limon du fond du lac ».

L’ouvrage d’André Stevens arrive donc à point nommé, en ces années 2012-2013 qui ont vu se tenir successivement la Conférence Terra à Lima au Pérou, puis le premier Colloque international sur la conservation de l’architecture de terre au siège de l’UNESCO à Paris, et enfin comme toute récente manifestation culturelle sur ce thème, l’exposition organisée par CRAterre au Ministère français de la Culture sur Architecture de terre dans le monde – 20 ans de contribution au patrimoine mondial. Toutes ces activités portent le témoignage d’une prise de conscience et d’une plus grande préoccupation de la communauté internationale sur les questions d’environnement culturel et naturel y compris l’intérêt particulier porté au matériau que représente la terre crue, qu’elle soit nommée adobe, argile, banco, bauge, pisé, toub ou torchis, pour ses hautes qualités écologiques mais aussi pour sa valeur économique dans la mesure où son utilisation à l’échelle mondiale peut contribuer à la lutte contre la pauvreté et au développement durable.

Mounir Bouchenaki

Ancien Sous-Directeur Général pour la Culture à l’UNESCO

Ancien Directeur Général de l’ICCROM

Paris, 25 mai 2013

Dès 2008, l’auteur avait sollicité une préface au professeur Jean Barthélémy, architecte et ingénieur, membre de la Classe des Arts de l’Académie royale de Belgique. Tâche dont il ne pu s’acquitter pour des raisons personnelles. Néanmoins, dans un courriel daté du 23 février 2008, il écrivait : « … J’ai toujours apprécié votre inflexible volonté de poursuivre inlassablement le même objectif : celui de pousser chaque région de notre planète à profiter au mieux de ses spécificités locales tant au point de vue des matériaux que du savoir-faire artisanal et, ce qui n’est pas le moindre, de vous faire connaître et reconnaître auprès des différentes autorités mondiales pour atteindre votre objectif. Je suis ravi d’apprendre que vous allez réunir une grande partie de votre extraordinaire expérience en un livre qui devrait être soutenu par l’Académie royale de Belgique. Vous pouvez compter sur mon appui enthousiaste dans cet objectif … ». Dans une lettre datée du 9 décembre 2013, Monsieur Hervé Hasquin, secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Belgique, conclut : « … D’accord avec les membres de la Classe des Arts, j’envisagerais une édition numérique de votre manuscrit, afin de rendre accessible le savoir qu’il contient, aux architectes, aux archéologues, et à tout qui s’intéresse à la préservation des architectures de terre. Votre travail serait publié dans l’Encyclopédie électronique Koregos … ».

Et ajout d'André Stevens