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Architecture - Sculpture - Epoque contemporaine - Belgique - Histoire de l'art Philippe Roberts-Jones Jacques Moeschal, créateur de formes et de signes de ce temps
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Reporticle : 109 Version : 1 Rédaction : 01/01/2004 Publication : 22/10/2014

Jacques Moeschal, créateur de formes et de signes de ce temps

Fig. 1 – Portrait de l'artiste.
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Fig. 1 – Portrait de l'artiste.

Jacques Moeschal. Un hommage ? Pourquoi ? Il a quatre vingt-dix ans, il est parmi nous, assis là quelque part dans la salle. Il m'intimide. Pour mieux le voir, je propose une photographie : une photo qu'il aime. Pourquoi ? Parce qu'il est au dehors. Cet artiste, s'il a participé à des expositions d'ensemble, n'a jamais, à ma connaissance, organisé ou laissé faire une exposition personnelle avant 2000, c'est-à-dire avant d'avoir allègrement dépassé les quatre vingt-cinq ans. C'est, en effet, un homme dont l'œuvre aspire au grand format, dont le but est une certaine conquête de l'espace, où la technique et l'architecture formelle occupent une place majeure. Il se trouve, dans cette photo, devant une forme sphérique, donc géométrique ; en métal donc un matériau contemporain, mais qui, ici, n'est qu'un fond de décor (fig. 01). Moeschal crée des formes, puis sort de son atelier pour les mettre en œuvre et travailler avec des techniciens pour les réaliser. Il a la cigarette aux lèvres, la casquette sur la tête, il est dans le coup, il est prêt à participer. Il traduit une expression anxieuse et passionnée, aux aguets de la sensibilité de son temps.

Vers 1960, il écrira un texte intitulé « La route des hommes » qui va déterminer sa phjlosophie artistique et orienter définitivement sa démarche. Mais, avant cela, il se forme et acquiert une expérience. Ucclois de naissance en 1913, il fait des études d'architecture et de sculpture à l'Académie royale des Beaux-arts de Bruxelles où, dès 1946, il enseigne à son tour. Son maître fut Henry Lacoste et, visitant récemment avec lui une exposition de cet architecte, j'ai pu mesurer la convergence de deux esprits distincts en des temps différents : l'un avant guerre, et l'autre au lendemain du second conflit mondial, tous deux habités et passionnés par l'histoire de l'architecture et les leçons qu'elle livre. Le maître et l'étudiant travaillaient ensemble à des plans, des projets, et Moeschal se dit encore aujourd'hui « heureux d'avoir eu le plaisir que Lacoste ait mis son cachet sur un de mes dessins ». Il exécute d'ailleurs pour ce dernier une maquette de Vierge et Enfant entourés d'arbres, pour l'Université de Louvain, où les soucis perspectifs et la simplification des formes font déjà basculer les leçons de l'aîné vers la vision du plus jeune.

La formation de Moeschal est très complète, tant sur le plan théorique que pratique. La connaissance intellectuelle se traduit par une mise en œuvre manuelle. Son père, chef de chantier, l'entraîne tout jeune sur le terrain. Le dessin, les matériaux n'ont pas de secret pour lui et il revendiquera le privilège d'avoir connu le temps « où la valeur d'un homme de métier se jugeait sur son savoir-faire » (1).

Fig. 2 – La Flèche du Génie civil, 1958.
Photo : Université Libre de BruxellesFermer
Fig. 2 – La Flèche du Génie civil, 1958.

En 1958, il accomplit déjà une étape majeure : la Flèche du Génie civil, conçue pour l'Exposition Universelle de Bruxelles. Il s'agit d'une construction en béton armé destinée à soutenir une passerelle permettant de voir une carte en relief de la Belgique. Cette composition, dont la flèche a 80 mètres de long et dont l'extrémité s'élève à 36 mètres du sol, est contrebalancée par une salle suspendue en forme de triangle équilatéral de 30 mètres de côté, étayée par deux béquilles reposant sur une fondation (fig. 02). L'architecte Jean van Doosselaere et l'ingénieur André Paduart furent considérés au départ comme initiateurs de cette prouesse. Mais en juin 1958, l'architecte devait admettre: « la flèche est une idée plastique de Moeschal, que j'ai mise sur plan et que Paduart a calculée en béton » (2). Je passe les divers épisodes, mais il est évident que l'invention formelle est le fait de Moeschal, et la preuve s'inscrit dans des réalisations antérieures : une Sculpture de 1948, achetée en 1959 par la Province de Brabant, dont la découpe de la partie droite est celle que formule la flèche, et, d'autre part, les formes ascensionnelles du Projet pour le Monument au Prisonnier politique inconnu, de 1951. Citons Moeschal : « Ma sculpture consistait en deux grandes lames d'acier, deux flèches de 80 mètres de haut qui s'évasaient vers le ciel en formant le V de Churchill (...). La Flèche du Génie civil était en fait une de ces lames mais plus inclinée et réalisée en béton » (3). Dès 1966, ce remarquable ouvrage était condamné, l'œuvre fut dynamitée. Mais non le sculpteur, ni son esprit, ni son vouloir. Le virus de ce que j'appellerais la sculpture architectonique avait pris possession de l'homme (4).

Pour qu'une sculpture vive, agisse, ne soit pas qu'un bel objet posé sur un meuble ou un socle, pour qu'une sculpture ne soit pas qu'une forme qui s'anime uniquement sous le regard de celui qui la possède, pour qu'une sculpture ait une fonction, corresponde à une éventuelle nécessité, il lui faut s'intégrer dans un contexte de la vie publique. Il lui faut donc un lieu. L'intégration doit se faire en accord avec le monde contemporain et forcément scander, animer ou orner des lieux où l'œuvre peut saisir entre autres le regard ou être saisi par lui, sans le distraire pour autant, être en quelque sorte un point de repère sur le chemin d'un chacun. Et Jacques Moeschal d'écrire vers les années 1960, « La route des hommes » : « De tout temps prendre la route, fut pour l'homme un besoin, un plaisir et un risque et c'est pourquoi il a toujours cherché à jalonner ses étapes par des signes qui l'aidaient, le guidaient et le rassuraient : les grandes bornes de pierre, les tombeaux, les calvaires, les croix, les bornes kilométriques et les poteaux indicateurs. Mais, si ces signes sont des points de repères, ils se veulent aussi symboles et témoignages : l'homme est passé par là et y a laissé sa marque. Pourquoi ne pas faire en sorte que ces marques portent en elles le génie de notre race et de notre temps ? » (5).

Fig. 3 – Signal de Zellik, 1963.
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Fig. 3 – Signal de Zellik, 1963.

La grande différence avec le passé, c'est que ces routes sont devenues des autoroutes et qu'elles sont parcourues, non plus à pied ou à cheval, mais à 120 kilomètres à l'heure. Et forcément tout change. On ne s'arrête pas pour regarder ou contempler. L'œuvre doit être simple, lisible, évidente. Elle doit être éloquente et non perturbante. Des projets pour sculpture ou signal d'autoroute s'affirment et se développent d'abord sous forme de dessins ou de maquettes. En voici deux exemples: un Dessin de 1959 figurant une œuvre monumentale, un tripode surmonté d'une courbe refermée sur elle-même, et un Signal pour autostrade, non réalisé, mais dont le modèle en bronze poli se trouve dans l'atelier de l'artiste. La structure est ici beaucoup plus légère, elle est épurée, plus signalétique et ne repose que sur un seul portant, ce qui accentue son élévation et son élégance. Elle nous conduit, en 1963, à la première réalisation in situ édifiée en Belgique à Zellik, au départ de l'autoroute E10 Bruxelles-Ostende (fig. 03). D'une hauteur de 23 mètres, l'œuvre en béton est une forme abstraite, d'une grande évidence et simplicité, posée sur un pylône puissant ; une découpe de voile de béton s'inscrit dans une double courbe qui se referme d'une part et s'ouvre largement de l'autre. Sur le dessin initial, celle-ci était soutenue par un support vertical. Heureusement une étude des possibilités techniques, poussées à leurs limites, grâce aux travaux d'ingénieurs, dont Gustave Moussiaux qui avait déjà collaboré à la Flèche du Génie civil, permet la suppression de cette béquille, accroissant de la sorte l'efficacité esthétique et signifiante de l'œuvre. On peut y voir à la fois « un paraphe dans l'espace » ou, avec un peu plus d'imagination, un avant-bras dressé et une main ouverte. « Je le conçus, dira Moeschal, comme une idée de départ, une envolée vers un ailleurs » (6).

S'il y a chez l'artiste une préoccupation d'exploiter la matière au maximum de ses possibilités, ici le béton, donc de s'inscrire dans le monde contemporain, la sensibilité de la création formelle n'en gouverne pas moins le parti pris. L'adéquation à ces diverses données – matière, fonction et site – ne cessera d'orienter sa recherche expressive. Le Signal dans le désert du Neguev en Israël, de 1962, en offrait aussi la démonstration. Moeschal participe, cette année-là, à 1'« International Symposium of Sculptors in Israel» et le Signal de 9 mètres de haut qu'il réalise en plein désert, non loin d'Eilat, est composé de deux hauts piliers surmontés d'une forme solaire, trouée d'un vide conique. La masse élancée est donc allégée par une saignée lumineuse qui sépare les piliers, et la lumière est accueillie dans le creux de la forme haute en quantité variable selon l'heure du jour. La surface mate et dense s'impose à la luminosité du désert. C'est à nouveau une œuvre en béton, texture non réfléchissante, créant son espace propre.

Fig. 4 – Croquis pour le parking des Deux Portes, 1967.
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Fig. 4 – Croquis pour le parking des Deux Portes, 1967.

L'intérêt de Moeschal pour ce matériau est réel : « il est primordial, dira-t-il, que le béton comme n'importe quel matériau soit employé à sa juste valeur » (7). Même technique, mais d'une plus grande ampleur : le Signal de Mexico. Dès 1967, dix-neuf sculptures sont commandées pour former, à l'occasion de la XIXe Olympiade, la « Route de l'amitié ». Le parti pris de Moeschal sera une forme circulaire, ouverte au centre, posée sur une base, un disque solaire saisi dans un socle. L'évocation se rapproche de la Pierre du soleil aztèque, conservée au Musée national d'Anthropologie, mais réinventée dans un esprit contemporain et avec tous les moyens techniques du XXe siècle. En béton et d'une envergure de 20 mètres, lors de la construction on s'aperçut que l'emplacement était le site d'une pyramide ancienne dissimulée sous une coulée de lave. Le monument devint le signe d'accueil du Village Olympique et le symbole, en quelque sorte le sigle, des Jeux Olympiques eux-mêmes. L'emblème solaire aurait pu être un cercle parfait et traditionnel. C'eût été contraire à l'esprit novateur de l'artiste. Le sculpteur effectua une rupture et une distorsion dans la partie supérieure, obtenant ainsi un jeu d'ouverture et, sortant du plan, crée deux porte-à-faux. Il multiplie ainsi les effets d'ombre et de lumière. Pour y parvenir, la prouesse technique est requise, ce qui fait dire à Moeschal : « Il y a cinquante ans, ce n'était pas réalisable » (8).

Fig. 5 – Signal d'Hensies, 1972.
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Fig. 5 – Signal d'Hensies, 1972.

L'une des œuvres magistrales devait être, en 1972, le Signal d'Hensies, élevé sur la frontière franco-belge, Ce monument en béton, d'une hauteur de 57 mètres, se compose de deux piles verticales, l'une en France, l'autre en Belgique, réunies au sommet par une découpe sculpturale symbolisant la rencontre et l'amitié, Un modèle en acier existait déjà en 1966, exposé au Sart Tilman, qui démontre le suivi et la recherche des justes proportions. La réalisation d'Hensies fut aussi une performance technique (fig. 05). Marcel Joray, dans son ouvrage « Le béton dans l'art contemporain », écrit en effet : « Qu'on en juge : deux piles élancées, parallèles, reliées à leur base par une traverse rigide, supportent un motif sculptural résultant de l'interpénétration de deux pyramides tronquées. Hauteur totale 57,6 m ; largeur du motif 21 m ; largeur de la base 10,6 m ; profondeur 4,45 m. En raison de son poids, il fallut construire le motif sur le sol. À l'aide de dix vérins hydrauliques de 100 tonnes d'effort unitaire (six vérins sustentateurs et 4 directeurs) on l'éleva alors progres- sivement, à raison de 1,2 m par jour, pour construire les piles par-dessous au fur et à mesure de l'élévation du motif, par empilement de 2840 blocs de béton préfabriqué » (9). Le tracé harmonique du motif sculptural, dessiné par Moeschal, démontre la filiation du classique au contemporain.

Toutes ces réalisations traduisent le souci de meubler l'espace des grands axes routiers et d'apporter à l'homme le réconfort d'une présence artistique. D'autres exemples, d'autres recherches, pourraient encore en témoigner.

L'esprit monumental d'une œuvre ne réside pas forcément dans ses dimensions réelles. Deux exemples. Le premier consiste en Signaux commandés pour les trémies du Parking des Deux Portes, entre la Porte de Namur et la Porte Louise (Fig. 4). Au nombre de trois, deux signalant l'entrée et la sortie automobile boulevard de Waterloo, le troisième indiquant l'entrée piétonne avenue de la Toison d'or. D'un format et d'une famille formelle identiques, chaque signal d'esprit horizontal – puisqu'il surélève et annonce une entrée souterraine – mesure 2,22 m de haut sur 6 m de large en acier corten. Si les formats sont identiques, les éléments composés de deux ou trois horizontales, de poutres saillantes, issues de part et d'autre d'un corps central rectangulaire, différencient chaque œuvre par les sections, les ouvertures, les espaces, les agencements, l'intervention de courbes ou d'arcs de cercles, animant ces ensembles et les accordant au flux vital des lieux qu'ils occupent. Son souci de cohérence du paysage urbain fut une préoccupation fondamentale de l'artiste, « arpenteur d'espace », comme le dit Albert Bontridder (10).

Fig. 6 – Sculpture pour un parc, 1995.
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Fig. 6 – Sculpture pour un parc, 1995.

Le second exemple démontre aussi que le rôle d'une forme dans l'espace ne dépend pas de son volume, mais bien de la justesse de ses proportions et de sori ancrage dans le lieu dévolu. Ainsi, la Sculpture du Centre Culturel d'Auderghem, de 1973, affirme une vertu monumentale. Or, il s'agit d'un cube d'1m 50 dans les trois dimensions, en acier corten, posé sur un socle cubique étroit qui détache l'œuvre du sol. La sculpture est placée devant le bâtiment, entre celui-ci et le boulevard du Souverain. Le cube est partagé également en deux parties dans sa hauteur par une faille droite, transparente sauf en son centre qui garde la dimension du socle, et chaque moitié est séparée à nouveau par deux courbes opposées qui traversent le volume de la même manière. Le cube du Centre Culturel est aussi un signe identifiable. Il joue le rôle que l'enseigne occupe dans une rue marchande. Doté ainsi d'une fonction, il sert de sigle, soit vu en perspective, soit schématisé en deux dimensions, pour marquer toute publicité ou information relative aux activités dudit Centre. Cette sculpture nous mène à des œuvres qui poursuivent d'autres fins: bucoliques par exemple, telle une Sculpture de jardin en acier corten de 6 mètres de haut. Cette forme ascensionnelle prend place sur une pelouse devant un rideau d'arbres. Elle devient le point focal du regard et apporte quiétude ou méditation devant la masse des branches et du feuillage, comme elle se fait notre intermédiaire dans le dialogue que nous pouvons avoir avec la riature. Une autre Sculpture de même dimension, mais d'esprit différent, vient clore la perspective d'un jardin que domine une architecture de charmilles (fig. 06). Elles ne sont donc pas interchangeables, elles s'inscrivent chacune dans un site. De telles œuvres peuvent également aiguiller ou scander des sites universitaires, tels Louvain-la-Neuve, la faculté de médecine d'Anvers, la cité universitaire de l'U.L.B.

On peut évoquer enfin un autre matériau dont Moeschal s'est servi pour des réalisations également monumentales : l'acier inoxydable. Dans le domaine urbain, le relief mural de 13 mètres de haut, réalisé en 1969 pour le Crédit Communal, s'impose au croisement des boulevards Botanique et Pacheco, meublant un mur aveugle qui jouxte le passage 44. L'intervention est donc positive, en faisant vivre une surface morte. Elle s'anime de neuf modules abstraits (symbolisant les Neuf provinces) dont quatre sont concaves et cinq convexes, superposés trois par trois selon le rythme 212, 121, 212.

Fig. 7 – Signe de lumière, 1999.
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Fig. 7 – Signe de lumière, 1999.

La Porte de Namur s'est enrichie d'un élément nouveau, le Signe de lumière : composé de trois fûts de section triangulaire en acier brossé, d'une hauteur de 10 mètres, d'un poids de cinq tonnes, et qui se coudent au sommet comme les pétales d'une fleur. Les fûts sont reliés à ce niveau pour assurer la stabilité de l'ensemble et permettre au cœur de l'évasement formel la mise en place d'un faisceau lumineux qui prolongerait, le soir, l'élancement de la forme issue du sol pour se perdre dans l'espace. Les proportions sont justes (abstraction faite des deux démesures que sont le Hilton et la tour du Bastion), elles définissent la circulation de la place et la scandent (fig. 07). Moeschal conçoit l'animation d'un site non comme une prise de possession et l'affirmation d'un ego, mais celle d'une présence et d'une participation. L'action du sculpteur ne se limite pas à la conception de l'œuvre, elle se prolonge dans sa réalisation aux établissements Moker à Boom, où l'artiste suit et surveille l'exécution du monument.

Un autre projet militait dans le même sens : un Portique pour le Rond-point Schuman. Le projet, non réalisé hélas, d'une hauteur de 15 mètres, s'inscrit à nouveau dans la vision humaniste d'être un signe, un jalon à l'échelle de l'homme, du regard, du calme, de l'apaisement. Il se situe dans une longue tradition du signe d'accueil et de franchissement, il doit être repéré de loin, il n'écrase pas puisqu'il est ouvert et qu'il distribue l'espace. Élément de temple ou de palais, donc de durée, le Portique est ici contemporain, puisque son matériau est l'acier.

Fig. 8 – La Voie des airs, 2002.
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Fig. 8 – La Voie des airs, 2002.

Enfin, une œuvre qui s'intitule La Voie des airs, est inaugurée en 2002 à l'aéroport national de Zaventem à l'initiative de Pierre Klees, directeur de la BIAC. Le projet, créé en 1972, pour l'échangeur routier de Zwynaarde, est un signal en hauteur, de trois pylônes d'acier, coiffés par un entrelacs de rubans courbes et métalliques. « Il aura, disait hier encore Jacques Moeschal, une hauteur de 23 mètres et se compose de trois colonnes surmontées d'une couronne de cercles enchevêtrés en tôle, dans lesquels on peut voir la circulation aérienne qui enveloppe le globe. Cette couronne se trouvera à la hauteur des restaurants, tandis que les pieds seront visibles dès qu'on pénétrera dans le hall » (11). Notons que les parties assemblées pour cette couronne sont des tôles d'acier de 3 millimètres d'épaisseur, de 15 mètres de long et sont d'une seule venue. Ce monument est sans doute le maître ouvrage de l'artiste (fig. 08). L'œuvre de Moeschal s'intègre donc parfaitement dans le temps où il vit, tant stylistiquement que par les techniques employées. Si la conception de l'œuvre reste le fait du créateur, la réalisation et la mise au point impliquent la participation et la collaboration d'artisans ou d'ingénieurs de haute compétence et qualité. Chaque étape du travail est pour l'artiste, de l'esquisse à l'œuvre achevée, une joie, une tension, et un enseignement parce que, à chaque fois, il s'efforce de conquérir son espace et son œuvre est celle d'une bataille gagnée, mais aussi de son rayonnement et, comme on peut l'apercevoir, de ses reflets.

Fig. 9 – Oeuvre pour la station de la Gare du midi.
Photo : Anthony SpiegelerFermer
Fig. 9 – Oeuvre pour la station de la Gare du midi.

Jacques Moeschal notait en 1995 : « À la rigueur on pourrait risquer de dire que l'œuvre d'art est un miroir qui réfléchit l'image d'une société à un moment donné à travers le prisme de la vision de l'artiste. En effet, a contrario, chaque fois qu'une civilisation doute d'elle-même les représentations artistiques ont tendance à céder aux pressions de la mode ou à la tentation d 'étonner ». Il affirmait aussi : « Ne pas imiter, ne pas tricher, rechercher l'harmonie sans artifices et sans concessions oblige à la mesure dans la conception et à la justesse dans l'exécution. De nos jours la recherche scientifique dans les technologies de pointe et les matériaux nouveaux, l'étroite collaboration de l'ingénieur et de l'architecte, peuvent donner le meilleur en architecture et sculpture (fig. 09).. A condition d'être sincère, le matérieau impose sa vérite à l’imagination » (12).

Je crois que l’œuvre de Jacques Moeschal démontre parfaitement cette imagination dans la réalité du matériau que, chaque fois, il choisit.

Notes

NuméroNote
1J. MOESCHAL, Conversation avec René Léonard, Gerpinnes, Tandem, 1999, p.53.
2J. VAN DOOSSELAERE, in : Le Génie civil, in : La Chronique industrielle, 7 juin 1958, p. 75.
3Texte d'une interview, archives de l'artiste.
4Voir Ph. ROBERTS-JONES, Jacques Moeschal ou la sculpture architectonique, Bruxelles, CFC-Editions, 2002.
5J. MOESCHAL, texte dactylographié, archives de l'artiste.
6J.M . PAPPAERT, Vues sur la construction contemporaine, Université de Liège, Mémoires CE.R.E.S., 1967, p. 74 ; J. MOESCHAL, Conversation…, op. cit. , p. 32.
7Texte d’une interview, op. cit.
8Texte d'une interview, in : The Brussels Times, archives de l'artiste,
9M. JORAY, Le béton dans l’art contemporain, Neuchâtel, Editions du Griffon, 1977, p. 136.
10A BONTRIDDER, Les carnets bruxellois de Jacques Moeschal, in : Bulletin de la Classe des Beaux-Arts, Académie Royale de Belgique, 2000, p. 208.
11J. MOESCHAL, in : W. TOEBOSCH, La roule de l’homme, in : Arts Antiques Auctions, 2000, p. 96.
12J. MOESCHAL, in : Catalogue Exposition Classe des Beaux-Arts, Académie royale de Belgique, 7-22 décembre 1995, s.p.