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Art en général - Epoque contemporaine - Europe - Histoire de l'art Roland Van der Hoeven Peut-on définir l'Orient ? Balade aux sources de l'orientalisme romantique
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Reporticle : 11 Version : 1 Rédaction : 1988 Publication : 15/01/2012

PEUT-ON DEFINIR L’ORIENT ?

Edward Saïd, On Orientalism, vidéo Media Education Foundation, 10’36’’

L'Orient est terre de fascination. Avec son expression occidentale (l'orientalisme), se déploie tout un réseau de termes dont la signification doit être ici précisée : Orient, orientaliste, orientalisme, exotisme, couleur locale. Cette approche terminologique est en soi riche de signification. Le XIXe siècle, qui voit la prolifération des dictionnaires et encyclopédies, a entrepris un travail considérable de re-formalisation et de re-définition de ses valeurs. L'Europe approfondit le concept, jusqu'alors embryonnaire, d'Occident et par là même définit le «non-Occident» : l'Orient. Cerner un espace appelle une délimitation territoriale précise. Vivien de Saint-Martin définit, en 1890, l'Orient comme: « l'appellation géographique qui se prend tantôt pour l'Asie tout entière [...] et parfois, dans un sens plus restreint, surtout pour des contrées, y compris l'Egypte, qui entoure le fond de la Méditerranée. Dans ce dernier sens, il est synonyme de Levant [...]. Sous le nom d'Extrême-Orient, on comprend aujourd'hui, plus simplement l'Indochine, la Chine et le Japon (1)  ». Pierre Larousse s'étend davantage encore sur l'aspect géographique et conclut : « Rien de plus mal défini que la contrée à laquelle on applique ce nom (2)  ». Il faudra attendre le XXe siècle pour que la dimension subjective de l’orientalisme soit formulée : « L'Orient n'est pas seulement le voisin immédiat de l'Europe [...]. Il lui fournit une des images de l'Autre qui s'imprime le plus profondément en lui; de plus, l'Orient a permis de définir l'Europe (ou l'Occident) par contraste [...]. L'Orient est partie intégrante de la civilisation et de la culture matérielle de l'Europe. L'orientalisme exprime et représente cette partie, culturellement et même idéologiquement, sous forme d'un mode de discours (3)  ». Il n’est pas rare de voir, dans cette acception de l’orientalisme, la formulation d’un fort engagement politique avec toutes les polémiques que cela peut engendrer. Les écrits d’Edward Saïd sont, à ce niveau, exemplaires.

Emile Wauters, Vue matinale sur le Nil, 1881, Bruxelles, Musée d’Ixelles
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Emile Wauters, Vue matinale sur le Nil, 1881

Le terme orientaliste apparaît en 1799 et définit le « spécialiste des langues et des civilisations orientales (4)  »; celui d'orientalisme, attesté dès 1826, correspond au « système de ceux qui prétendent que les peuples occidentaux doivent à l'Orient leur origine, leur langue, leur science (5)  ». Dès l'origine, constatons que ces termes restent cantonnés aux sphères universitaires. Si en 1840, l'orientalisme se définit encore comme « science des choses de l'Orient (6)  », il évolue rapidement vers « l’imitation des mœurs de l'Orient; goût des choses de l'Orient (7)  ». Avec l'intrusion de la notion d'imitation, nous glissons de la rigueur universitaire à la subjectivité émotionnelle : il faudra désormais favoriser les témoignages de l'époque afin de saisir la conscience du temps à travers ses artisans. Littré définit alors l'orientaliste comme « un artiste qui peint des sujets d'inspiration orientale (8)  » et Larousse y voit « un peintre spécialisé dans la représentation de paysage et de types exotiques (9)  ».

L'exotisme est une fuite. La société occidentale, parvenue à un stade élevé - du moins le pense-t-elle - de l'Evolution a transformé le sens de l'Histoire. Substituant le Progrès au Salut (Hegel), le monde moderne va chercher à fuir la rigueur de son rationalisme : les paradis perdus, les sources mythiques, le passé, les nouveaux-mondes, le sauvage et l'Orient deviennent autant de terres d'exil. La couleur locale, constitue le gage de cette fuite. Elle ne se définit que dans un contexte de références à l'état historique de la société occidentale. La notion recoupée ici est plus vaste que celle d'orientalisme et se rattache essentiellement au concept d'exotisme. Si la terminologie se réfère ici au domaine pictural, il faut toutefois approfondir l'approche afin de rendre compte de la valeur littéraire de cette notion. La couleur locale est une «touche» de vérité - non pas scientifique mais seulement imaginaire - qui rend le discours crédible. L'Ailleurs y trouve une forme, une couleur, une saveur qui sont celles interdites à l'ici.

Ayant tenté de définir le phénomène orientaliste dans sa globalité, il reste à le définir dans ses limites chronologiques. Phénomène social et historique, l'orientalisme trouve dans l'expédition de Bonaparte en Egypte (1798-99) le souffle épique qui ne s'éteindra qu'avec la Première Guerre Mondiale. Entre ces deux dates, l’orientalisme se déploie parallèlement à l'expansion coloniale qui impose à chaque pays un contact particulier avec l'Orient. Si le XIXe siècle est le plus souvent associé à l’Orientalisme et en incarne, sans doute, le paroxysme, il convient de rappeler que l’Orientalisme naît avec la constitution d’un Occident, perçu comme autonome à savoir dès l’Antiquité classique. Il se teintera au gré des éléments historiques et l’on verra l’orientalisme prendre des accents particuliers que ce soit par l’évocation de la Terre Sainte au Moyen-Âge, des turqueries au XVIIe siècle, des chinoiseries au siècle suivant. Mais quel que soient les contrées évoquées, l’orientalisme reste homogène dans sa méthodologie : formuler par le regard sur l’autre le questionnement de l’Occident.

LA QUESTION ESTHETIQUE (10)

« Ex Oriente lux »
E. SCHURE (11)

L'Orient (12). Davantage qu'un lieu, il y a là un espace : la fuite vers l'imaginaire, l'Ailleurs hors normes, taillé aux mesures d'un Occident en rupture de tradition. Liée aux développements de la Renaissance, la culture occidentale est constituée d'un réseau de normes (le tempérament, la perspective...) définies comme a priori à toute création (13). Son caractère rationnel l'a rapidement poussée à se revendiquer pour universellement vraie. Les cultures non européennes furent dès lors remisées et peu à peu oubliées d'autant qu'elles échappaient au limes de la chrétienté catholique. L'Occident, fier d'une tradition qui, dans l'esprit baroque, s'assimilait à la célébration de la révélation de la foi, évolua alors vers la sclérose de ses canons. Cette crise se transfigurera en édifice théorique avec les Lumières (14). La redéfinition de la notion de nature (15) et la mise en question du concept de sauvage (16) constituent autant de brèches dans l’idéal d'un Occident seul civilisé. Le «malaise de la civilisation» prend alors la coloration d'un retour aux sources d'autant plus aigu que les structures politiques et sociales chancèlent : le processus de déchristianisation et les mouvements révolutionnaires sapent les fondements de la culture occidentale tel qu’on peut affirmer que l'art moderne naît dans l'enfantement du romantisme au sens large.

Antique et orientalisme

Cornelis Cels, Le bourreau amenant la tête de Saint-Jean Baptiste à Salomé, 1809, Lier, Sint Gammurus kerk
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Cornelis Cels, Le bourreau amenant la tête de Saint-Jean Baptiste à Salomé, 1809

Avec le néo-classicisme français, le modèle antique apparaît comme seul garant d'un réel retour aux sources (17). L'Etat, républicain et laïc, y puise sa légitimité historico-philosophique : le héros patriote devient un idéal supra social sur lequel se fonde une rhétorique de l'image (18). Tirant un trait sur l'Ancien Régime, la République s'affirme dans une filiation privilégiée avec l'Antique : leurs valeurs sont communes. Le présent ne constitue rien de moins qu'un moment de réactivation d'un passé quasi mythique formulé, au niveau de l'idée, par les auteurs classiques. Ce souci de filiation légitimante introduit une re-conceptualisation du modèle antique : les écrits de Mengs et Winckelmann sont, à ce titre, évocateurs d'un climat de nostalgie préromantique remarquable (19). Plus qu'un modèle récupérable, l'Antique devient un idéal et comme tel se refuse, inaccessible.

Cornelis Cels, Antiochus Soter et Stratonice, début XIXe s., collection privée
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Cornelis Cels, Antiochus Soter et Stratonice, début XIXe s.

Cette impossibilité à s'«abîmer» dans un passé qui nierait l'Histoire, renforce en dernier ressort la notion de présent. L'ici temporel trouve son ailleurs dans un dialogue constant entre l'Antique et le Moderne condamné au progrès. Le fondement éthique qui régit ce flux n'est pas négligeable : en sont redevables les catégories de patrie, de liberté, et de fraternité, antinomies des critères reconnus à l'Orient (despotisme, cruauté, domination). Le devoir envers la collectivité (la patrie), le respect des normes sociales (la fraternité, la liberté) et de leurs garants (les ancêtres) appellent au sacrifice de soi. Le serment des Horaces de David constitue au même titre que les chants révolutionnaires (20) le manifeste de cette «culture républicaine»  (21) dont la négation va bientôt prendre les traits de l'Orient. Les valeurs de l'Occident s'érigent en ferments d'un progrès interdit à l'Orient, dépourvu de conscience. Le symbolisme antique, d'essence théâtrale, trouve donc une dimension nouvelle dans sa charge pédagogique. L'Antique enseigne l'auto-conscience à l'Occident et, pour rendre son message crédible, doit imposer l'authenticité comme principe. La même rigueur sera de mise pour représenter l'Orient (22). Le néo-classicisme, rationalisation du discours baroque, imposait une leçon rationnelle; la nouvelle génération romantique transformera son attachement à l'Antique en une aspiration sentimentale (Einfühlung) au primitivisme (23). Le bon sauvage induisait une distance, la voici abolie dans un mouvement de rejet de l'idée de civilisation. L'authenticité, d'une part et la fuite hors des normes sociales occidentales (24), d'autre part, dessinent donc les axes principaux du rapport à l'Antique.

La ruine

Emile Wauters, Atrium aux colonnes rouges à Pompéi, Bruxelles, Administration communale de Saint-Josse-ten-Noode
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Emile Wauters, Atrium aux colonnes rouges à Pompéi

L'Antique est un modèle mais qu'est-il devenu ? Les musées alors en plein essor en offrent les vestiges déracinés, ustensiles sans vie pour copies conformes mais qu'est-il advenu de l'espace antique ? La fin du XVIIIe siècle a vu se développer le thème de la ruine (25) (Hubert Robert, Panini...). Qu'est-elle sinon le passé in situ, l'Antique de visu, sa conscience de facto ? Le romantisme impose avec elle une redéfinition de la vision du passé. L'adhérence au monde devient un acte de foi (26), la représentation des ruines un exorcisme qui noie passé et présent en une seule vision. La ruine soulève des flots d'images qui font revivre un passé défunt (27)  : la découverte d'Herculanum et Pompéi renforcera encore cette volonté de contact direct, matériel (28).

Jacob Jacobs, Ruines du Temple de Karnak, milieu XIXe s., Bruxelles, collection royale
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Jacob Jacobs, Ruines du Temple de Karnak, milieu XIXe s.

La ruine constitue dès lors le premier moment d'un réalisme romantique qui aboutira à l'orientalisme. Lié au voyage, d'abord en Italie puis en terre Sainte, le thème de la ruine introduit dans la tradition occidentale un décentrement qui oblige l'artiste à ne plus concevoir d'action qu'en son lieu historique. Au même titre que le néo-classicisme a vêtu les acteurs de l'Histoire Sainte de costumes crédibles -la question n'étant pas qu'ils soient vrais-, l'artiste romantique cherchera à plonger ces comédiens dans leurs décors. La crédibilité, impérative si l'on se place au niveau de l'identification, est à ce prix. Voilà donc qu'au dialogue entre un passé et un présent clairement définis, s'adjoint une distanciation des lieux qui impose un ici à un ailleurs distinct. L'histoire a conquis la spécificité de l'espace et du temps. A la recherche du vestige du passé, l'artiste se transfigure en un voyageur du passé et de l'ailleurs. La ruine l'avait appelé en Orient, il allait y découvrir la fascination.

Le voyage

« Pour connaître le monde, il ne suffit pas de le regarder. Qui veut tirer profit de son voyage doit déjà s'en faire un plan à l'avance et ne pas considérer seulement le monde comme objet du sens externe (29)  ». Le monde est « une scène où nous mettrons en place toutes les expériences (30)  ». Un décor d'opéra dont « on doit connaître les caractéristiques » et « sans lequel ce qui précède devient impossible (31)  ». Ces propos de Kant imposent donc la présence du lieu préalablement à toute expérience (32). L'Occident, s'il a conquis un passé n'en dispose pas à demeure. Pis, il a échappé à son aire spirituelle pour devenir la toile de fond du développement de l'Islam (33). Adhérer à l'espace où se ressource l'Occident - en tant que structure sociale, culturelle, politique - impose donc de s'en évader. Le voyage, promesse d'imaginaire va absorber les artistes occidentaux du XIXe siècle et du XXe naissant (34). S'il ne change fondamentalement rien dans leur œuvre, il instaure la fuite par laquelle se sauveront les artistes maudits par leur siècle.

Jacob Jacobs, Paysage d’Asie Mineure, milieu XIXe s., Bruxelles, Musées royaux des Beaux-arts
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Jacob Jacobs, Paysage d’Asie Mineure, milieu XIXe s.

André-Charles Hennebicq (1836-1904), Scène marocaine, vers 1885, Bruxelles, Administration communale de Saint-Gilles
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André-Charles Hennebicq, Scène marocaine, vers 1885

L'Autre n'est jamais synthétisable en un simple objet; depuis Hérodote, il se définit exclusivement par des effets rhétoriques (35), c'est-à-dire par le biais d'éléments littéraires. « L'exotique n'est rien d'autre que la mise en jeu de cette logique traductrice dans laquelle la différence de l'ailleurs se réduit (...) à la manifestation de son identité »  (36). Le voyage n'est opérant qu'à la condition, nous l'avons vu, qu'il y ait conscience préétablie de l'objet qui motive le dépaysement. L'expérience ne trouve de signification qu'en tant qu'élément littéraire narratif : l'Occidental se raconte à travers le «miroir» de l'Orient. Pour Kant, le monde est un décor où se déploient les actions humaines à valeur d'expérience; une scène qui attend ses acteurs grâce auxquels prennent forme le temps et l'espace. L'Ailleurs n'existe qu'en regard d'un ici qui s'y définit en s'y projetant. La femme orientale (37) incarne un désir impossible, le despote une autosatisfaction sociale, « le sauvage touche à l'origine du monde et l'Européen à sa vieillesse (38)  ». L'évolution d'une civilisation - chrétienne et de droit - justifie qu'à une prémonition de décadence corresponde un désir de fuite et de ressourcement dans un monde où l'« idée de crime et le péril de la maladie sont entrés (39)  » avec l'Occidental. Le « Bon Sauvage » n'est pas une réalité «géographique» mais une valeur diachronique et supra historique par laquelle l'exotisme en général et l'orientalisme en particulier se posent en correctifs, non du monde (40) mais de l'état «historique» d'une société. L'ailleurs n'existe que comme lieu de passage vers l'avenir de l'Occident : philosophie, histoire, sciences humaines, philologie... y puiseront les éléments d'un renouveau qui supplante l'avenir au profit de la fuite dans l'espace; « le futur a l'avantage commode de n'être ou de n'avoir été encore nulle part tandis que l'exotisme préfère l'espace (41)  ». L'Orient n'est pas une valeur intrinsèque - le voyage déçoit d'ailleurs généralement l'artiste (42) - mais une image irréaliste qui appartient et révèle l'imaginaire occidental.

Orient et ésotérisme (43)

Jan Portaels, Vue de Tanger, 1867, Bruxelles, Collection royale
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Jan Portaels, Vue de Tanger, 1867

L'Orient constitue donc un point de fuite dans une perspective de ressourcement de la tradition occidentale. L'Occident, marqué depuis les Lumières par le rationalisme cartésien a aussi hérité de la même tradition une aspiration à l'Illuminisme (44). La lumière révélatrice de l'objet acquiert aussi une signification intrinsèque qui trouve, dans l'Orient une valeur primitive fondamentale. Le XIXe siècle, hors du phénomène positiviste, est aussi le siècle de la remise en question des acquis de la science guidée par la raison. Le savoir, toutefois, n'est pas remis en cause mais voit ses modalités se transfigurer en un halot de sagesse ancestrale qu'il y a lieu de revivifier (45). La conscience d'un déclin de la société, de la culture et même de la race occidentale s'accompagne alors d'une attitude de retour aux acquis d'une sagesse primordiale toute contenue en Orient. Le mouvement qui s'opère dans le contexte romantique (Goethe et son Divan Oriental (46), Hegel, Schlegel, Chateaubriand, Hugo...) trouve son aboutissement dans l'hermétisme ésotérique, la théosophie (Schuré en France publie Les sanctuaires d'Orient) ou l'anthroposophie (Rudolph Steiner et l'interprétation de Goethe). Partout, l'Orient se métamorphose : quittant les oripeaux d'une terre stérile figée hors du cours d'une Histoire mue par le principe d'évolution, il devient le creuset d'une sagesse humaine qui ne peut trouver son aboutissement que dans la recherche occidentale. La tradition orientale, cachée, mystérieuse, réservée à l'initié (47), devra alors se dévoiler à l'Occidental qui, seul, a la force d'en faire usage. De Pythagore à la Franc-maçonnerie, de la Kabbale aux Illuminés, de l'expérience hindoue aux divagations théosophiques, un réseau de filiations se déploie par lequel l'histoire de l'Orient s'inscrit en toute lettre dans l'avenir de l'Occident.

En conclusion, il faut constater que l'Orient, s'il a toujours voisiné avec l'Occident, trouve au XIXe siècle un faisceau de circonstances qui aboutissent à sa progressive assimilation par l'Occident. Devenu le révélateur privilégié de la conscience occidentale, l'Orient constitue un réservoir permanent pour l'imaginaire d'artistes qui trouvent là ce qui n'est plus ici. L'histoire voit, avec l'expansion coloniale des grands états européens, se tarir un monde préservé de toute évolution; dans un mouvement où les arts, petit à petit se désolidarisent des classes dominantes, il y a dans la fuite en Orient, un dernier mouvement de négation du sens de l'histoire. L'irréalisme, développé comme valeur narrative - opéra, peinture académique et littérature - domine la production artistique. L'Orient n'est jamais un objet que l'on représente mais un faisceau de concepts que l'on met en image : une présentation. Il n'est dès lors pas étonnant que le XIXe siècle ait favorisé le phénomène orientaliste comme un élément essentiellement littéraire. Le caractère narratif de l'aventure orientaliste explique donc de façon rigoureuse l'engouement pour l'Opéra, pour la peinture des «pompiers» et pour les grandes fresques littéraires orientalistes. « Ex Oriente lux ».

Illustrations

    8 images Diaporama

    Notes

    NuméroNote
    1V. de SAINT-MARTIN, Nouveau dictionnaire de géographie universelle, Paris, 1890, s.v.
    2P. LAROUSSE, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris, 1874, XI, s.v.
    3E. SAID, L'orientalisme. L'Orient créé par l'Occident, Paris, 1980, pp. 13-14. Même écho chez T. Hentsch (L'orient imaginaire, Paris, 1988, p. 9): « En tant que concept, l'Orient imaginaire constitue l'antithèse de l'Occident et n'a pas de limite précise; il est susceptible d'englober tout le reste du monde, c'est-à-dire tout ce que l'Occident ne considère pas comme sien ou comme son extension directe ».
    4Magasin encyclopédique (1799), cité in Trésor de la langue française, dictionnaire de la langue française des XIXe et XXe siècles (1789-1910), Paris 1986, XII, s.v.
    5Atlas ethnographique du globe (1826), cité in loc.cit.
    6Complément au Dictionnaire de l'Académie (1840), cité in loc.cit.
    7DUMAS père, Monte-Cristo (1846), cité in loc.cit.
    8Supplément du Littré (1877), cité in loc.cit.
    9Petit Larousse en couleurs, Paris, 1972, s.v.